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par un échange de lettres avec son mari qu’elle avait donné 40 000 francs, produit de la vente de ses bijoux. Emilio, l’apprenant, et attendri de ce sacrifice, offre de lui rendre d’autres bijoux pour une pareille somme, mais elle refuse gentiment. Que tout ceci est bizarre ! On se quitte, maison reste bons amis, puis l’on s’écrit ; galamment, le mari offre un écrin ; cependant ce mari n’est à Paris que parce qu’il a suivi la Guiccioli, qui vient d’y arriver. Celle-ci, du reste, a épousé le marquis de Boissy, très fier du passé byronien de sa femme. On a même dit que, la présentant un jour à Louis-Philippe, il insista et dit : « La marquise de Boissy, ma femme, autrefois la maîtresse de Byron[1]… » Bientôt le prince et la princesse Belgiojoso vivront en camarades sous le même toit ; la Guiccioli assistera aux soirées de la princesse, et le prince y paraîtra de même, jusqu’à ce qu’une autre femme l’entraîne sur d’autres rivages…

En 1833, Belgiojoso et sa femme contribuèrent encore pécuniairement à la tentative que le général Ramorino fit en Savoie, et, avec eux, le frère du prince, Antonio. Tous trois furent accusés de haute trahison, Antonio fut même emprisonné à Turin. Mais le procès intenté contre eux traîna en longueur ; plusieurs fois, le cours en fut interrompu : on attendait des pièces de Rome, de nouveaux témoignages. Peut-être le gouvernement du vieil Empereur hésitait-il à condamner encore et toujours. Ces considérations, en d’autres temps, ne l’avaient pas arrête, il est vrai : se rendait-il compte à présent que ces procès perpétuels irritaient l’opinion publique et ne diminuaient pas, au contraire, le nombre des rebelles ? Un jour, l’instruction contre le prince et son frère fut arrêtée. Mais elle continua pour la princesse ; les charges qui pesaient sur elle étaient plus graves… et puis tout à coup les poursuites cessèrent pour elle aussi.

C’est ici que l’opinion d’Apponyi semble prendre quelque vraisemblance, lorsqu’il déclare qu’elle a cherché à se rapprocher du gouvernement « abhorré. » D’autres ont dit qu’elle avait écrit à Metternich, à l’archiduc Ranieri, etc.[2]. Dans une conversation qu’il rapporte avec Mme de Rumford, Apponyi dit : « Notre Empereur a été pour elle un bon père, qui pardonne

  1. Remsen Whitehouse.
  2. Carriere della Sera.