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soumission à un gouvernement que j’abhorre, et dont je ne reconnais pas les droits.

« Je la trouve inutile, parce que Marocco disant lui-même que « je pourrais demander la levée du séquestre, au moins en ce qui concerne la perception de mes rentes pour pourvoir aux besoins pressans de ma vie, et ajoutant qu’il lui semble très difficile que je puisse l’obtenir… » qu’obtiendrais-je donc moyennant l’humiliation à laquelle je me serais assujettie ? Que la confiscation soit retardée de quatre à six mois, tandis que maintenant elle est de fait retardée indéfiniment, et cette étrange concession, je l’aurais achetée en dérogeant à cette dignité qui doit être la qualité inséparable de l’opprimé ? Non, cher Poerio, j’ai beau interroger ma raison et imposer silence à mes sentimens, ma raison ne m’indique d’autre voie que celle que mes sentimens m’indiqueraient.

« Si vous avez quelque chose d’autre à me proposer, nous en causerons ; vous ne pouvez douter que votre opinion ne soit d’un grand poids dans la balance.

« Je resterai à la maison dimanche toute la journée, c’est-à-dire à partir de deux heures, mais il y aura probablement du monde chez moi. Si vous préférez me trouver seule, venez un matin avant midi, mais écrivez-moi un mot pour me prévenir du jour que vous choisissez, parce qu’autrement vous courez le risque de ne pas me trouver ou de trouver ma porte fermée, comme je suis obligée de le faire souvent pour vaquer à mes occupations[1].

« A Dieu, cher Poerio, venez vite, je vous prie, et gardez-moi votre amitié.

« CRISTINA DE BELGIOJOSO. »


Comme on le voit, la princesse ne désarmait pas, et se soumettait moins encore. Elle était accusée, à ce moment, d’avoir favorisé l’insurrection piémontaise en versant 100 000 francs à Mazzini, qui en était l’âme[2]. 100 000 francs, la somme est exagérée, car ses biens étaient sous séquestre. Il paraît démontré

  1. La princesse habitait à ce moment son appartement de la place de la Madeleine, et elle faisait elle-même son ménage. C’est ce qu’elle appelle « se livrer à ses occupations. »
  2. A la suite de l’échec de cette entreprise, dont la répression fut terrible, Mazzini, exilé, se réfugia à Marseille, où il trouva asile dans la maison de Démosthène Ollivier, père d’Emile Ollivier, Il y demeura caché pendant un an,