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cœur d’un peuple y laissent des cicatrices trop profondes pour être jamais effacées. Et ces races sont ennemies…, elles peuvent s’allier, elles ne se confondront jamais. Leur civilisation le leur défend. Celle de l’Italie, qui vient de si loin et qui l’a faite si belle, la sépare de ce peuple germain dont la civilisation est sortie de la « barbarie du Moyen Age. » H. Heine l’a dit en comparant les deux races : « La civilisation chez ce peuple n’a pas un poli remarquablement neuf comme chez nous, où les troncs sont encore rabotés d’hier, où tout sent encore le vernis[1]. » Non, cette race ennemie de la race latine, que le temps, la science, ni l’art n’ont su affiner, ne sera jamais la sœur de celle qui a vu naitre le Titien, et qui a donné Dante à la Poésie immortelle.


I

Lorsque, après le traite de Vienne, la main de l’Autriche s’abattit lourdement sur l’Italie, les provinces lombardo-vénitiennes et le Piémont, les premières, ni ; tardèrent pas à en sentir tout le poids. « Metternich conduisait en souverain la plupart des principautés italiennes, et la malheureuse Italie, même dans les régions où elle paraissait régie par des princes indépendans, n’était qu’une annexe de la monarchie des Habsbourg, un fief de l’Allemagne autrichienne[2]. »

Cristina Trivulce était née à Milan en 1808, elle avait donc sept ans à cette époque. Sa mère, veuve à vingt et un ans, s’était remariée avec le marquis Visconti d’Aragona, patriote militant, qui avait pour amis le marquis Confalonieri, Silvio Pellico, Pallavicino…, autant d’hommes que le joug autrichien opprimait. Le salon de la marquise d’Aragona devint le lieu de réunion de ces mécontens. L’odieuse politique de délation que Metternich imposait à l’Italie en lit des ennemis irréconciliables du régime nouveau, puis des conspirateurs actifs qui aspirèrent bientôt à la libération de la patrie et a sa résurrection.

« Le Gouvernement autrichien se dit que l’unique moyen de conserver cette magnifique rapine, écrit un contemporain, c’était de tout germaniser[3]. »Nous savons comment ils

  1. H. Heine, Reisebilder.
  2. E. Ollivier, L’Empire libéral : Le Principe des nationalités.
  3. La Varenne, Les Autrichiens et l’Italie.