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de lui ; même, les choses pourront tourner de telle sorte que la Cité soit fière de lui : ne sera-t-il pas orateur, quelque jour, et, très cossu, ayant à conserver une situation très avantageuse, ne s’établir a-t-il pas conservateur ou, du moins, l’un de ces révolutionnaires opulens qui sont les plus fermes soutiens de l’État. Ce roman n’est pas, comme l’Histoire de M. Aristide Truffaut, l’indulgente peinture de la vie niaise, ridicule et anodine, mais une satire, et assez cinglante.

M. Glesener, dans ses trois romans, a montré les ressources d’un talent très varié, d’un talent réfléchi, volontaire, et qui hésite encore à choisir son genre, voire ses doctrines. Son œuvre témoigne d’une inquiétude assez belle. Comment cette œuvre s’épanouira-t-elle ? Je n’essaye pas de le prédire. Elle a poussé, dans plusieurs directions, de fortes ramures. Elle est robuste, pleine de sève. Ce qui lui manque de décision lui viendra, je ne sais d’où, d’elle-même ou de favorables hasards. Elle s’épanouira.

En lisant les écrivains belges de cette époque-ci, j’ai constamment l’impression d’un art très abondant et original, qui n’est pas loin d’aboutir à sa perfection, qui demeure en deçà. Pour lui donner le dernier élan, que lui faut-il ?… Ce qu’il fallait à l’âme belge, pour qu’elle obtînt la pleine conscience de sa vitalité, qui va florir, les souffrances et l’héroïsme le lui auront donné ; car la littérature est l’un des signes par lesquels une patrie atteste son orgueil.


ANDRE BEAUNIER.