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pour les ouvrages situés au-delà de la ligne Kilid Bahr-Tchanak, dans le coude dont j’ai parlé plus haut, cela devient impossible. On ne les découvre, en effet, que lorsqu’on s’en rapproche en avançant dans le détroit.

Pour agir un peu à l’avance, toutefois, contre ceux-ci, la flotte alliée a eu recours à des procédés de tir auxquels les Allemands qui dirigent la défense des Dardanelles ne s’attendaient probablement pas. Il est toujours surprenant de recevoir des projectiles, — et d’énormes projectiles, ceux de 885 kilogrammes, par exemple, des 381 millimètres de la Queen Elizabeth, — sans apercevoir ni les canons qui les lancent, ni même le bâtiment qui sert de véhicule a ces canons. L’effet produit doit être plus démoralisant encore lorsque ces projectiles prennent à revers les masses couvrantes sur lesquelles on comptait pour s’abriter.

C’est ce qui est arrivé aux armemens des forts qui entourent Kilid Bahr, — en face de Tchanak, — lorsque les cuirassés alliés, après de savans repérages, ont entrepris leur tir indirect par-dessus la crête des collines qui constituent l’ossature de la presqu’île de Gallipoli. Les circonstances géographiques et hydrographiques sont telles, en effet, qu’établis dans le golfe de Saros et tirant leurs grosses pièces avec une hausse de 13 000 mètres environ, ces bâtimens pouvaient atteindre les ouvrages du détroit, je ne dis pas aussi bien que ceux qui les battaient directement, mais assez fréquemment pour que leur feu eût une véritable efficacité. Inutile d’ajouter que les résultats de ce tir étaient contrôlés et rectifiés par des observateurs bien postés et par les pilotes des hydravions, tous communiquant par la T. S. F. avec les tireurs du golfe de Saros.

Il y a tout lieu d’espérer que ces efforts seront couronnés de succès. Il ne faut pourtant pas se dissimuler que s’il s’agit d’une sorte de siège maritime, on sera probablement conduit à regretter l’absence des bombardes d’autrefois. Les angles de chute des projectiles lancés par les bouches à feu des vaisseaux sont, en effet, un peu insuffisans et ces projectiles eux-mêmes ne sont pas organisés pour produire dans les ouvrages à terre tous les effets de destruction que l’on pourrait attendre d’obus dont le poids atteint plusieurs centaines de kilos.

Mais c’est là un sujet assez spécial, qu’il convient de réserver pour le moment où, le résultat final obtenu, on pourra