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durée au moins d’une génération. La guerre de 1870 serait un jeu d’enfant à côté de celle de 1890 ou de je ne sais quand… Ainsi, d’un côté comme de l’autre, ce serait le même effort. Chacun tâcherait de saigner à blanc !… »

Puis, faisant l’éloge de l’armée allemande, il déclarait que, sans elle, on n’aurait pas eu l’unité tant désirée et que, sans elle aussi, l’Allemagne serait sans force contre les périls les plus grands. Donc le septennat s’imposait, avec ses sacrifices, avec ses nécessités et aussi avec ses avantages. Mais, malgré tant d’éloquence et de fougue, tant d’instance et de vigueur, le Reichstag lui substitua le triennat. Bismarck répondit à cette opposition par un décret de dissolution immédiate et, moins de deux mois après, il obtenait d’une nouvelle Assemblée, le 9 mars 1887, le vote du septennat militaire par 233 voix contre 40. La machine de guerre était plus forte et plus solide que jamais, et, comme les successeurs du chancelier ne firent que suivre son exemple, cette machine donna les effets terribles que nous voyons. Sur ce point, les Allemands nous ont été de beaucoup supérieurs. On peut critiquer leur industrie guerrière, leur reprocher leur machinisme à outrance, faire observer que la science de la guerre a peut-être trop dominé chez eux sur les arts de la paix, il n’empêche que leurs préoccupations à ce sujet auraient dû être mieux connues de nous, et que nous aurions dû nous-mêmes consacrer plus d’attention, plus d’efforts, plus d’argent et plus de soin à l’outillage et aux préparatifs militaires que nous ne l’avons fait. A cet égard, les paroles de Bismarck et des autres chanceliers n’étaient pas des paroles en l’air. Elles auraient dû venir jusqu’à nous et être retenues. C’est un proverbe sage que celui qui dit qu’il importe d’être instruit par l’ennemi lui-même. Or, c’est à peine si nous avons tenu compte de ce qu’il disait si haut. Il est à espérer que cette nouvelle expérience nous servira cette fois, et que la terrible leçon, succédant à celle de 1870, ne sera plus oubliée.


Le dernier triomphe, remporté par Bismarck au Reichstag, fut celui de la journée du 8 février 1888, où, déclarant que les deux nations française et russe obligeaient les Allemands à être unis, il prononça ces paroles qui furent gravées à Potsdam sous