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auquel il sut joindre, de par l’exemple paternel, un dévouement absolu à la monarchie prussienne. Dès l’âge de dix-sept ans, il avait la conviction que l’avenir conduirait nécessairement à l’unité allemande et il en fit le pari, avec un de ses jeunes amis américains, fixant audacieusement la date de cette unité à l’année 1852. Il osa plus encore, car il ajouta : « Et moi je serai l’un des créateurs de cette unité ! » Il lui fallut attendre dix-huit ans après 1852, mais que lui importait le délai, puisque tôt ou tard ses vœux et son action devaient se réaliser ?

D’une nature exubérante et provocatrice, il eut de nombreux duels à l’Université de Gœttingue et se fit la réputation d’un bretteur, d’un buveur, d’un viveur sans pareil. Il débuta dans la carrière administrative par l’emploi d’assesseur judiciaire, puis fut transféré au tribunal municipal comme secrétaire, et de là passa en la même qualité au gouvernement d’Aix-la-Chapelle. Après un stage aux volontaires des Carabiniers de la Garde en 1838. Il quitta l’armée et l’administration pour mener la vie de gentilhomme campagnard en exploitant le domaine de Kniephof. Là, il pouvait donner libre cours à la fougue de son tempérament, prendre part aux rudes travaux champêtres et entreprendre à cheval des courses qui épouvantaient les témoins de ses folies. Il eut un instant l’idée d’aller aux Indes, y renonça et, en juillet 1847, épousa Jeanne de Putlkamer que ses équipées aventureuses n’avaient point effrayée. Il en eut trois enfans : deux fils, Herbert et Guillaume, et une fille, Marie, comtesse de Rantzau, qui aujourd’hui survit seule à son père.

Député à la première Diète réunie, il se montra le ferme défenseur de l’autorité du monarque, aimant à croire qu’elle serait toujours tempérée par l’honnêteté, l’impartialité, le sentiment du devoir. Il n’était pas opposé à quelques libertés accordées au Parlement et à la presse, mais il entendait faire avant tout respecter les intérêts supérieurs de l’Etat. Son libéralisme ne tint pas longtemps devant l’opposition qui voulait dominer à la Diète et il se laissa aller à des accès de loyalisme bruyans qui provoquèrent des tempêtes. Assailli à la tribune par des interruptions violentes, il les bravait en lisant un journal. En 1848, il se montra sans hésitation l’adversaire des mouvemens révolutionnaires et manifesta à nouveau ses sentimens royalistes. A la deuxième Diète réunie, il parla pour défendre une politique d’ordre et de légalité qui seule pouvait,