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d’urgence. Cette somme fut fournie par une souscription nationale à laquelle les Roumains d’au-delà des Carpathes durent renoncer à contribuer, en présence de l’interdiction du gouvernement qui vit dans leur participation une manifestation daco-roumaine. L’enseignement supérieur roumain se réduit à deux chaires de littérature et d’histoire roumaines. Les cours y sont faits en magyar. Le recrutement du personnel de l’enseignement secondaire se fait exclusivement dans la race conquérante (lois de 1879 et de 1883).

Les fonctionnaires et la population en général sont soumis à une surveillance tracassière, dirigée en vue d’obtenir des gages de loyalisme magyar. On force les premiers à changer leurs noms de baptême et de famille contre des noms hongrois. Les noms de lieux subissent la même transformation. Le magyar est la langue exclusive des administrations publiques. L’armée où le commandement, qui se réduit à quatre-vingts mots environ, est fait en allemand et où l’instruction militaire est donnée nécessairement dans la langue maternelle des recrues, n’en est pas moins un instrument puissant d’unification.

L’action de l’Etat est secondée par l’influence des hautes classes. Cette influence est particulièrement efficace dans une société qui, malgré les réformes égalitaires inaugurées au XVIIIe siècle par l’absolutisme éclairé el élargies au XIXe par le démocratisme kossuthiste, a gardé beaucoup de survivances de l’esprit aristocratique et même féodal. Le magyarisme n’avait rien à faire pour s’assurer le concours de la grande propriété seigneuriale et ecclésiastique, il lui était acquis d’avance ; mais il a visé à conquérir la classe moyenne et urbaine, les professions libérales, et il y a en partie réussi.

Pour résister à une absorption qui se sert de tous les moyens, les Roumains de Transylvanie ont une armature défensive qui s’est montrée à l’épreuve de la force et de la ruse : leur nombre d’abord, puis leur fidélité inébranlable à leur langue et à leurs traditions et jusqu’à la séduction qui s’allie chez eux à la ténacité. D’après la statistique officielle dressée en 1910 par le gouvernement hongrois, la Transylvanie, en dehors du Banat, de la Chrishiane et du Maramouresh, compte 1 540 088 Roumains, c’est-à-dire 57,5 pour 100 de la population totale, ceux de la Transleilhanie tout entière atteignant le chiffre de 3 123 335. Malgré les émigrations en Roumanie, leur nombre ne fait que