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emporté d’assaut la passe de Kirli-Baba, ils eurent sous les yeux un plateau qui forme une forteresse naturelle et s’étend en demi-cercle jusqu’au Danube, en s’adossant au rameau oriental des Carpathes et des Alpes transylvaines. Cette forteresse s’abaisse en pente douce sur le front occidental, tandis que son versant oriental et méridional est escarpé et difficilement accessible. À cette physionomie originale on a reconnu la Transylvanie, l’Ardeadul des Roumains, l’Erdely des Magyars, le pays dont le nom rappelle les forêts qui lui donnaient, qui lui donnent encore à un moindre degré son aspect pittoresque.

Ce n’est pas dans l’espèce de boucle qui en dessine le contour que se fixa au Xe siècle le torrent de l’invasion magyare, quand Henri Ier et Otton le Grand le brisèrent et l’endiguèrent. Il s’écoula et s’amassa surtout dans le centre de la Hongrie, sur le cours moyen du Danube et de la Theiss, et passa sur la Transylvanie, en ne laissant dans ses vallées que quelques dépôts dont le plus important a conservé à travers l’histoire du pays, sous le nom de Szeklers, c’est-à-dire d’hommes de la frontière, son caractère ethnique. Dans la mesure où elle peut se montrer affirmative sur des questions d’origine, qui sont toujours obscurcies par des pénétrations ethnographiques continues, el qui, par leur incertitude, prêtent à toutes les thèses, l’histoire peut dire que, tout en ayant été modifié par des infiltrations slaves, le fond de la population transylvaine se rattache aux colons de la Dacie Trajane dont la Transylvanie formait le tiers. Pour énumérer les principaux groupes ethniques qui se juxtaposaient dans la région transylvaine, il faut nommer encore les Saxons, nom générique des colons de la basse Allemagne appelés au XIIe siècle par les rois de Hongrie. Concentrés surtout à Hermanstadt, à Kronstadt et à Klausenbourg, ils formeront, avec les Magyars et les Szeklers, les trois nations dont l’existence légale sera reconnue dans la constitution transylvaine, à l’exclusion des Valaques et des Slaves.

Il faut avouer, en effet, que pendant longtemps, en un certain sens, les Roumains de Transylvanie n’eurent pas d’histoire, ce qui ne les a pas rendus plus heureux. Leur situation dans le passé a ressemblé beaucoup à ce qu’elle est dans le présent : la race conquérante n’en a pas plus tenu compte autrefois qu’aujourd’hui. Il y a seulement cette différence au profit de