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les plus violens. Une première tentative criminelle ayant échouée des coups de feu furent dirigés contre Pierre Leroy-Beau-lieu, un soir qu’il venait d’une réunion à Vailhauques, village situé à une quinzaine de kilomètres du chef-lieu : une balle, passant à la hauteur du cœur, le frappa à l’avant-bras. Ses ennemis prétendirent qu’il s’était tiré lui-même un coup de pistolet. Il ne fallut rien moins que le rapport décisif de M. Sibille pour démontrer le guet-apens. Une majorité plus forte que celle de l’année précédente, mille voix au lieu de cinq cents, renvoya Pierre Leroy-Beaulieu au Palais-Bourbon ; il devait y occuper son siège pendant deux législatures consécutives.

A son métier d’écrivain, à ses fonctions de représentant, il avait ajouté une troisième branche d’activité, qui ne convenait pas moins bien à son tempérament, celle du professeur. Dès 1899, l’Ecole des Sciences politiques l’appela à lui. Ses voyages et ses travaux le désignaient pour siéger aux côtés du savant qui avait été le créateur, rue Saint-Guillaume, de l’enseignement de la géographie commerciale et de la statistique. Sa parole claire, la solidité de ses connaissances, l’autorité avec laquelle, malgré sa jeunesse, il s’imposait à l’attention de ses auditeurs, firent de lui l’un des maîtres les plus écoutés de nos étudians.

C’est dans cette triple direction que s’est exercée, avec une intensité remarquable, l’activité du publiciste, de l’homme politique, du professeur. Nous allons reprendre successivement l’analyse de ses travaux dans les trois ordres, avant d’arriver à la page la plus glorieuse de cette noble existence, si prématurément et si cruellement fauchée dans sa fleur.


II

Les deux caractères dominans des articles et des livres de Pierre Leroy-Beaulieu sont l’abondance des matériaux et la vigueur d’une pensée, qui se traduit par des jugemens, sur les hommes et les choses, d’une netteté singulière.

De fortes études littéraires et scientifiques, poursuivies sans relâche depuis l’âge le plus tendre jusqu’à la fin de l’adolescence, avaient meublé son esprit. Une mémoire très sûre lui permettait de ne rien perdre des précieuses semences qu’il avait