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Le second roi de Prusse, Frédéric-Guillaume Ier, quoique peu entreprenant de sa nature, s’attacha à augmenter et à discipliner l’instrument qui, aux mains de son fils, Frédéric II, allait devenir la première armée de l’Europe et le modèle que les autres nations s’efforceraient de copier. Mais, après avoir lutté victorieusement sous le commandement d’un grand capitaine contre trois puissantes monarchies coalisées et prouvé sa supériorité sur les meilleures troupes de l’Autriche, de la France et de la Russie, l’armée prussienne déchut subitement du premier rang. Son éclipse fut si complète qu’elle sembla d’abord devoir être définitive.

Cette armée, en effet, repoussée à Valmy, se montra ensuite impuissante contre les conscrits de la République. Son prestige militaire n’était cependant pas encore atteint. Il sombra irrémédiablement dans la campagne de 1806 devant le génie de Napoléon et la qualité exceptionnelle de ses soldats. Ce n’est pas seulement la bataille d’Iéna, mais une autre cuisante défaite, infligée le même jour par un lieutenant de l’Empereur aux troupes du roi de Prusse, qui prouva la décadence de ces dernières et l’incapacité de leurs généraux, anciens élèves de Frédéric II. On avoue sans difficulté à Berlin le désastre d’Iéna, mais les historiens allemands parlent peu de la journée d’Auerstaedt, véritable revanche de Rosbach.

Le militarisme prussien se releva pendant la guerre de l’Indépendance. Il fut l’âme de la résistance et contribua à la libération finale. Toutefois, il ne faut pas exagérer le rôle de Blücher, de Scharnhorst, de Gneisenau, d’York, de Bülow et des autres généraux de Frédéric-Guillaume III en 1813 et 1814. Napoléon fut vaincu par ses propres fautes : l’épuisante guerre d’Espagne, où le meilleur sang français fut inutilement gaspillé, et la malheureuse campagne de Russie. Pendant la première partie de l’été de 1813, Russes et Prussiens n’éprouvèrent que des défaites sur des champs de bataille chèrement disputés. La libération de l’Allemagne n’eût été rien moins que certaine, si l’Autriche, qui avait complété ses préparatifs, ne s’était pas jointe à la Russie et à la Prusse pour accabler Napoléon. Pendant les guerres de l’Empire, c’est à l’archiduc Charles et aux troupes autrichiennes, non pas aux armées prussiennes, que revient l’honneur d’avoir tenu tête le plus opiniâtrement au grand conquérant. De même, durant les Cent Jours, le