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le « joug » de l’Angleterre contre celui du « germanisateur » de l’Alsace-Lorraine et de la Posnanie !


Sans compter que le « joug » de l’Angleterre, — lord Cromer ne se fatigue pas de nous le répéter et force m’est, ici encore, de lui laisser l’entière responsabilité de son assertion, — ne serait pas éloigné de constituer désormais pour la population égyptienne un véritable bienfait. Il signifie pour elle, avant tout, l’allégement des terribles impôts qui, jusque-là, ne s’étaient jamais relâchés de les accabler. « Pourquoi donc, — nous demande lord Cromer, — l’Égypte tout entière a-t-elle refusé de prêter l’oreille aux récentes incitations de la Turquie ? Le vrai motif est que les dépenses publiques ont été, grâce à nous, soigneusement contrôlées, ce qui a permis au gouvernement égyptien de réduire énormément l’ancienne taxation. Il fallait aux maîtres actuels de la Turquie le mélange de leur propre sottise et de l’inexpérience pratique de leurs conseillers allemands pour les conduire à se figurer que le fellah égyptien aurait conscience d’être opprimé et maltraité, alors que les réquisitions de son collecteur d’impôts non seulement avaient cessé d’être capricieuses, mais encore se trouvaient abaissées à un degré que ni lui-même ni ses parens n’avaient jamais rêvé. »

De telle sorte que, dès la date déjà lointaine de l’avènement d’Abbas II, le prétendu mouvement « nationaliste » égyptien n’aurait été qu’une agitation « toute creuse et factice. » Suivant l’expression de lord Cromer, « il n’y avait quasiment personne, en Égypte, qui ne se fût senti désolé, si le gouvernement anglais avait pris au mot les pachas, et avait retiré ses soldats du royaume. » Ceux-là mêmes qui exigeaient le plus bruyamment ce retrait n’en partageaient pas moins, au fond de leur cœur, l’opinion d’un vieux cheik, notoirement anglophile, à qui l’on reprochait d’avoir cependant signé une pétition au Sultan contre les Anglais. « Hé ! — répondait en souriant ce connaisseur des hommes et des choses, — tout cela n’est rien que vaines paroles ! Bien souvent je dis à mon cheval ou à mon chameau, s’il lui arrive de m’impatienter en quelque menue occasion : Maudit sois-tu, et puisse Allah te réduire en miettes, vilain fils de cochon ! Que si je pensais que mon vœu pût se réaliser vraiment, je me garderais bien de l’exprimer ; mais je sais assez que la bête n’en souffrira aucun mal. Et pareillement aussi je sais que l’Anglais restera chez nous, soit que je signe ou non telle pétition contre lui. Et, sachant cela, que m’importe de signer ? Je fais plaisir à notre souverain, le Khédive ;