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nouveau protecteur. Enfin celui-ci, pour achever de convaincre Osman pacha de son retour en grâce, l’avait prié d’accepter un chèque de 15 000 francs signé de sa main, et qui lui permettrait de vivre largement à Constantinople en attendant la restitution de sa propre fortune. Si bien que le prince kurde s’était décidé à repartir pour la Turquie, muni du précieux chèque et d’une foule de lettres de recommandation que lui avait également données le généreux Khédive. Arrivé à Constantinople, il avait été arrêté à bord même du navire qui l’amenait d’Egypte, jeté en prison, et bientôt relégué dans une forteresse de la Tripolitaine. Et lorsque, plus tard, ayant réussi à se délivrer, il s’était présenté à la Banque Ottomane de Constantinople pour y toucher le montant du chèque khédivial, le directeur de la Banque lui avait fait voir un billet écrit, lui aussi, de la propre main d’Abbas II, — le lendemain de la signature du chèque, — et où « Son Altesse le Khédive » informait la Banque de sa volonté « d’annuler la traite signée par Elle, la veille, au profit du prince Osman pacha. »

Une autre fois, lord Cromer avait appris que le jeune Khédive, s’adressant aux meneurs d’une rébellion qui venait de se produire dans un régiment anglo-égyptien, — c’était au temps de la campagne anglaise contre les Boers, — les avait expressément encouragés à persévérer dans leur attitude. Sur quoi le Consul Général, s’étant rendu auprès du Khédive, l’avait mis en demeure de communiquer aux mêmes officiers égyptiens une proclamation rédigée d’avance en langue arabe, et blâmant leur conduite dans des termes d’une rigueur implacable. « Le Khédive se trouvait serré entre les pointes d’un dilemme. En refusant de prendre à son compte et de transmettre la proclamation que je lui apportais, il s’exposait au grave soupçon d’avoir approuvé une révolte dans son armée ; tandis que, d’autre part, son consentement révélait aux rebelles l’impossibilité pour eux d’espérer de lui tout concours un peu efficace. Mais, encore que son visage ne laissât pas de trahir son ennui de la situation où je le mettais, ce fut au second de ces deux partis qu’il s’arrêta, comme d’ailleurs je l’avais tout de suite prévu. »

Écoutons encore cette dernière histoire, tout imprégnée du plus authentique parfum d’ « orientalisme. »


Un certain Léon Féhmi avait, pendant plusieurs années, servi d’espion, au sultan Abdul-Hamid : mais ensuite, ayant eu le malheur de déplaire à son maître, il n’avait réussi à éviter la mort qu’en se réfugiant à Alexandrie. Et comme le Sultan désirait fort que son ancien espion lui fût livré, Léon