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prélats. Dans tel procès du Saint-Office sont impliqués en même temps des libraires, des ferronniers, des moines et des nobles. Seules les campagnes restèrent en dehors de cet entraînement ; c’est le rôle des Pagani de demeurer longtemps attachés à leurs vieilles croyances, d’être toujours des « païens » à l’égard des doctrines nouvelles.

Ainsi la Réforme s’était étendue de ville en ville à travers toute la péninsule et jusqu’en Sicile ; elle avait même gagné à sa cause une partie du haut clergé ; des évêques et plusieurs cardinaux se voyaient soupçonnés de pactiser avec elle. A ne s’en tenir qu’aux apparences, elle semblait donc en passe de l’emporter sans que son triomphe impliquât toutefois autre chose qu’une modification et non une destruction de l’état de choses existant. Cependant, à la fin du siècle, toute trace en avait pour ainsi dire disparu ; il existait encore des hérétiques, mais c’étaient des isolés, des chefs sans armée.

La cause de la rapide extension et de l’anéantissement presque subit et si complet de la Réforme en Italie est due à la nature particulière des sentimens qui en favorisèrent le développement. La rigueur dont fit preuve le pouvoir pontifical dans la seconde moitié du siècle, l’entrée en scène des ordres nouveaux, capucins, théatins, jésuites, la discipline imposée au clergé et l’autorité plus grande dont jouirent les évêques contribuèrent sans doute grandement à éteindre les revendications ; mais si, après avoir été soutenues avec tant d’ardeur et par tant de zélateurs, elles furent si vite abandonnées, c’est qu’elles étaient devenues moins fondées et s’imposaient moins depuis que le concile de Trente et, plus encore, l’intervention de papes résolus tels que Paul IV, Pie V et Grégoire XIII avaient amené la disparition des pratiques qui les suscitèrent et contre lesquelles les protestans d’Italie s’élevaient surtout. Les discussions purement théologiques ne prolongèrent pas comme ailleurs la querelle puisqu’on n’y attachait point en Italie l’importance éminente qu’on lui donnait ailleurs. Peut-être aussi que l’attrait d’un culte pompeux ne fut pas sans influence pour maintenir ou ramener des esprits si épris de faste et si curieux de beaux spectacles. Et puis la continuité dans l’effort n’a pas toujours été le propre des peuples méridionaux.


E. RODOCANACHI.