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les brefs contre l’hérésie, mais ne comprit jamais, pas plus que ses conseillers, le grave danger qui menaçait l’Eglise ; d’ailleurs, sous son pontificat, l’Italie commençait à peine à être atteinte. ; Adrien VI aurait souhaité de réformer les mœurs du clergé et il donna l’exemple d’une vie austère et toute de privations, mais son pontificat dura peu. Quant à Clément VII, il était le moins persévérant des hommes, le plus incertain dans sa conduite, et le plus imprévoyant ; il sévit, mais sans suite, en sorte que l’hérésie, la « dépravation luthérienne, » comme on disait à Rome, gagnait sans cesse du terrain. Lorsque Clément VII nomma, le 4 janvier 1532, Calvisto de Plaisance inquisiteur général, il donna comme raison de ce choix dans le proème du bref, que « l’hérésie luthérienne se glissait partout. » La même affirmation désolée se retrouve dans les lettres et dans les rapports des évêques, des inquisiteurs, des abbés, des prieurs, des chefs d’ordres monastiques. Le cardinal de Ravenne écrivait au cardinal Contarini que, dans la plupart des cités italiennes, l’hérésie triomphait et que chacun, loin d’admettre d’un cœur sincère et avec humilité les dogmes imposés par l’Église, « prétendait en juger avec sa propre conscience. » Carafa allait plus loin ; il prévenait le pape Paul III que « l’hérésie infestait l’Église. »

Les réformateurs s’applaudissaient, de leur côté, du grand nombre de leurs adhérens ; sans doute les uns et les autres exagéraient ; il était avantageux pour les catholiques comme pour les protestans de proclamer que les doctrines nouvelles envahissaient le pays, car les uns faisaient ainsi ressortir la gravité du péril, les autres exaltaient par-là leur triomphe. On ne saurait toutefois nier que très nombreux étaient ceux qui avaient embrassé la Réforme ; il existait des groupemens importans de novateurs à Venise, à Bologne, à Milan, à Naples, à Sienne, à Padoue, à Pavie, à Modène, comme à Ferrare, à Florence, à Viterbe, à Lucques, à Forli, à Pérouse, à Vérone, à Vicence, à Bergame, à Viterbe, en Savoie, à Palerme et à Messine ; des Vaudois s’étaient établis dans les Pouilles ; Rome même ne resta pas en dehors de ce mouvement. Toutes les classes de la société y participèrent dans une certaine mesure et Quinet se trompe quand il affirme que « la Réforme ne fut en Italie qu’une fantaisie de lettrés, de poètes et de gentilshommes. » Les plus humbles artisans, des gens « de petite condition, » y participèrent à côté de nobles de littérateurs, de magistrats et de