Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/400

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dixmude et l’Hôtel de Ville. Effroyable ! Tout cela n’est plus qu’une ruine sans nom. Il ne reste pas une maison entière. Certains quartiers ont perdu jusqu’au souvenir de leurs fondations : un monceau de pierres et de briques… Il reste de Messine plus que de cette malheureuse cité. »


XII. — LA MORT DE DIXMUDE

Elle n’est pas tout à fait morte, pourtant. Scalpée, fracassée, incendiée, elle garde encore une étincelle de vie, tant que nous sommes là. Ce charnier où nous campons et dont les rues ne sont plus que des pistes méphitiques sinuant entre des monceaux de cadavres, des tas de moellons et les abîmes ouverts par les « marmites » boches, palpite obscurément dans ses profondeurs. La vie y est devenue souterraine ; Dixmude a ses catacombes, où nos hommes se glissent au sortir des tranchées. D’autres hôtes, moins catholiques, circulent peut-être dans ce réseau de caves et de celliers d’une exploration difficile ; les lueurs suspectes aperçues certain soir par Alfred de Nanteuil ne sont peut-être pas toutes des « lueurs de pillards. » Seule de toute la ville, par un mystérieux privilège, une maison a échappé au bombardement, la minoterie, dont la plate-forme en ciment armé, debout sur ce champ de décombres, continue à dominer, près du Haut-Pont, toute la vallée de l’Yser…

La 42e division, en nous quittant, nous a laissé deux de ses batteries de 75. C’est quelque chose, bien qu’insuffisant pour remplacer les soixante-douze pièces de campagne qui garnissaient à l’origine le front de la défense et dont cinquante-huit sont hors de service. Nous n’avons de sérieux que notre artillerie lourde, mais elle n’a pas la mobilité des 75. D’autre part, notre offensive sur le château de Woumen semble avoir inquiété les Allemands, qui sont revenus en force sur Dixmude. Le bombardement de la ville et des tranchées recommence ; une assez vive attaque de l’infanterie ennemie sur nos tranchées du cimetière est repoussée dans la soirée. Sur la route d’Eessen, on sent aussi la pression. Pertes assez fortes des deux côtés. Une reprise de l’attaque semble probable pour la nuit. Et tant de vides déjà ont éclairci nos rangs[1] !

  1. Aux officiers dont nous avons donné les noms plus haut, joignons, à la date du 6 novembre, les lieutenans de vaisseau Payer, Cherdel, Fefeu, Lanes,