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de leur déplacement, écrit un officier[1]. Et chaque midi, au moment du repas, nous étions encadrés de quatre marmites. Une batterie lourde était à peine en position depuis cinq minutes que la position devenait intenable : à cent mètres derrière, un homme, dans un arbre, faisait tranquillement des signaux. »

Au Nord seulement, une certaine détente s’observait dans la pression ennemie : renonçant à tourner Dixmude par Oud-Stuyvekenskerke, les Allemands semblaient vouloir s’engager sur Pervyse et Ramscappelle, dont ne les séparait plus que le remblai de la voie ferrée de Nieuport. La division Grossetti essayait de lui barrer le passage avec ce qui restait des divisions belges et nous faisait relever à Oud-Stuyvekenskerke par un bataillon du 19e chasseurs. Le commandant Jeanniot rentra aussitôt dans les tranchées de réserve du secteur : ses hommes n’en pouvaient plus ; les compagnies, qui occupaient les tranchées extérieures de la défense et qui n’avaient pas été relevées depuis quatre jours, n’étaient pas moins épuisées. Sur le front de Dixmude, le feu ennemi n’arrêtait pas : la ville tanguait à chaque décharge ; continuellement des maisons s’aplatissaient. « Dans la nuit du dimanche 25, note le fusilier R…, étant de service auprès du commandant du 3e bataillon Mauros, nous avons dû évacuer à trois reprises différentes les maisons qui nous abritaient et qui s’effondraient sur nous. » Dixmude « n’est plus que ruines, » écrit-il le lendemain. Dès le 21 octobre, les Carmélites étaient parties : leur communauté, où les aumôniers de la brigade continuaient imperturbablement à célébrer l’office, avait reçu quatre « marmites » dans la journée ; l’ennemi n’épargnait même pas nos ambulances ; « une chapelle, en pleine ville, où était la Croix-Rouge, a été bombardée d’un bout à l’autre, constate le fusilier F. A…, d’Audierne ; les églises environnantes, des clochers, il n’en reste pas un seul debout[2]. »

Le pis est que nos effectifs, très éprouvés dans les dernières rencontres, ne suffisaient plus aux besoins de la défense. On devait continuellement faire appel aux dépôts. Les grandes pluies avaient commencé, noyant les tranchées : sans la grosse

  1. Correspondance particulière.
  2. « Il n’y a plus aucune église intacte dans le doyenné, déclarait le 28 février M. l’abbé Vanryckeghem, vicaire de Dixmude. Près de quarante églises, de Nieuport vers Ypres, sont détruites. »