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À une situation nouvelle convenait une organisation nouvelle des forces alliées : dans la nuit du 19 octobre, la brigade belge Meyser passait sous les ordres de l’amiral ; le 20, à onze heures, la première « marmite » tombait sur Dixmude. « Jusque-là, écrit le capitaine de compagnie X…, les shrapnells de 77, aux miaulemens étranges, étaient les seuls cadeaux que l’ennemi avait envoyés. Mais, dans la journée du 20, commencèrent à pleuvoir les marmites, et leur premier objectif fut, bien entendu, l’église. À la cinquième ou sixième, ce joli édifice était en feu[1]. » Nous n’y avions pourtant aucun observateur. Jusqu’au matin, en prévision du bombardement, on avait travaillé aux tranchées. Les plus rapprochées de l’ennemi avaient été crénelées, barbelées, approfondies à lm,75 et solidement plafonnées. Mais toute la défense intérieure était encore à organiser, notamment le talus du chemin de fer, où les « gros noirs » pleuvaient dru. Un soir que sa compagnie était de réserve après 48 heures de tranchées, le lieutenant de vaisseau A… fut commandé pour y prendre position. Il y avait été de garde la troisième nuit précédente ; il savait, par expérience, combien l’endroit était dangereux et, moins pour lui que pour les 250 hommes dont il avait la responsabilité, il tenait à libérer sa conscience de chef.

— Il n’y a pas de tranchées au talus du chemin de fer, commandant, fit-il observer au capitaine de vaisseau V…

— Je le sais.

— Bien, commandant.

« Et souriant, pour donner confiance à ses hommes, ajoute le témoin qui nous rapporte ce dialogue, il s’en alla vers un poste aussi découvert qu’un glacis. »

Avec de tels officiers, Dixmude était mieux défendue que par un triple cordon de blockhaus. Les hommes, qui valaient les chefs, s’étaient vite habitués au fracas des « marmites. » Elles font plus de bruit que de mal, « parce qu’on peut les voir venir et qu’elles s’annoncent par un grincement de poulies mal graissées, » expliquait à sa famille un fusilier, qui ajoutait naïvement : « Tout de même, celui qui a envie d’entendre des coups de canon n’a qu’à venir ici. » De fait, le tapage était effroyable : 420, 305 et 77 tonnaient à l’unisson. Sans artillerie

  1. Cf. Dr Caradec, op. cit.