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certains d’entre eux furent malades parce que cette transition n’avait pas été établie assez lentement ; ils éprouvaient alors des malaises pareils à ceux dont souffrent dans des circonstances semblables les scaphandriers, ou à ceux que ressentent les aviateurs lorsqu’ils montent à une certaine altitude ou en descendent trop vite. Les effets étonnans de nos obus explosifs appartiennent, à mon avis, à la même catégorie de phénomènes et relèvent des mêmes causes qui sont sans doute les suivantes.

Les liquides dans lesquels baigne notre organisme — et notre sang en particulier — sont contenus dans des vaisseaux et des tissus assez légers et élastiques, de telle sorte que la pression exercée sur ces vaisseaux par l’atmosphère extérieure est à peu près équilibrée par celle des liquides inclus. Si, pour une raison quelconque, l’atmosphère extérieure se raréfie brusquement, les vaisseaux seront soudain distendus par la pression, devenue prépondérante, des liquides inclus, et ils risqueront d’éclater. Les parois des veines et des artères ne suffiront plus, n’étant plus étayées par la pression atmosphérique, à maintenir la pression sanguine et elles courront le risque d’être rompues, d’autant plus que le gaz dissous dans le sang et en particulier l’air qu’y amène la circulation pulmonaire, se dégageront brusquement, comme font les gaz d’une bouteille de Champagne lorsqu’on la débouche. Des phénomènes analogues auront lieu si, au lieu de diminuer, la pression atmosphérique augmente brusquement : les vaisseaux se comporteront alors comme ces cornets de papier sur lesquels les enfans, après avoir insufflé de l’air, appliquent un coup de poing qui les fait éclater.

Mais il faut, pour que ces phénomènes physiologiques aient toute leur intensité, que la variation de pression soit brusque, soudaine. Si en effet elle n’a lieu que lentement, nos vaisseaux ont le temps, par leurs réactions naturelles de s’équilibrer avec la nouvelle pression extérieure. Par exemple si la pression atmosphérique diminue lentement, le sang abaissera la sienne peu à peu par osmose à travers les capillaires, en rendant à l’atmosphère une partie des gaz qu’il inclut et par d’autres processus dont l’organisme dispose. Car nous sommes merveilleusement outillés par la nature pour nous adapter aux conditions les plus variées, pourvu que cette adaptation soit lente, pourvu que nous ayons le temps de nous y acclimater.

Revenons maintenant à nos obus ; lorsque l’un d’eux éclata