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réparer leurs forces. La France est assez occupée par la pacification du Maroc pour ne vouloir point de complication européenne. La Russie s’oriente de plus en plus vers l’Asie centrale. Les relations anglo-allemandes s’améliorent de jour en jour. L’Allemagne s’applique à augmenter sa puissance industrielle et commerciale ; elle a engagé de grands capitaux dans ses entreprises de chemins de fer en Asie Mineure, mais elle ne doit pas les étendre démesurément, par suite de l’impossibilité où elle serait de les protéger en cas de guerre. L’Allemagne n’est pas une puissance méditerranéenne ; sa flotte, pour défendre les concessions de ses nationaux en Anatolie et en Syrie, serait obligée de passer sous le canon de Gibraltar, de Malte et de Bizerte.

Reste l’Afrique. Sir Ed. Grey a dit au Parlement que l’Angleterre ne s’y opposerait pas à une extension de la colonisation allemande, car elle ne songe pas elle-même à acquérir de nouvelles colonies. Le Portugal et la Belgique ne sont pas en état de coloniser leurs domaines africains : le premier, à cause de sa situation financière et de ses discordes civiles ; la seconde, parce qu’elle ne veut pas débourser les sommes nécessaires pour mettre en valeur le Congo, qu’elle a annexé sur la promesse illusoire qu’il ne lui coûterait pas de sacrifices. Le capital allemand et l’aptitude colonisatrice de la race allemande, ses capacités commerciales et son esprit d’entreprise, sont seuls à même d’introduire la civilisation au cœur du continent noir et d’en exploiter les richesses. La coopération allemande est donc indispensable aux Belges, comme aux Portugais. Elle peut s’établir dans leurs colonies sous une forme analogue à celle que revêt l’action de la France en Tunisie et au Maroc ou celle de la Russie en Perse. Ce seraient une pénétration et un développement pacifiques, auxquels les Belges sont trop hommes d’affaires pour ne pas s’associer, si les Portugais n’en comprennent pas clairement la nécessité.

Nous voilà fixés. La politique mondiale ou internationale, telle qu’on la concevait dans les bureaux de la Wilhelmstrasse en 1913, était une politique d’extension coloniale, poursuivie par des moyens pacifiques.

Dès l’hiver suivant, le gouvernement impérial entamait avec le Cabinet de Londres des négociations pour le partage des sphères d’influence britannique et allemande dans les colonies