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d’Indre-et-Loire correspondent très volontiers avec Clément de Ris, conventionnel bientôt et qui plus tard deviendra raisonnable, sénateur et pair de France. Clément de Ris est l’obligeance même. On s’adresse à lui pour donner de ses nouvelles à tous les amis ; il fait gentiment les commissions affectueuses. Louis Pillaut, qui est en Hollande à la 29e demi-brigade, a laissé à Beauvais-sur Cher, non loin de Tours, une belle dont il se souvient et qu’il veut épouser, Fanquette. Sans doute ne doit-il pas écrire à Fanquette directement, soit que Fanquette ne sache pas lire, soit que les parens de cette jeune fille ne l’aient point encore agréé. Mais, citoyen Clément de Ris, « embrassez-la bien pour moi ; dites-lui que, si j’étais hirondelle… » Ou : « Dites-lui de ma part que, de toutes les filles au monde, il n’y en a point que j’aime mieux… » Pillaut, quelques lignes après, a oublié qu’il écrivait au citoyen Clément de Ris : il ne songe plus qu’à Fanquette ; et la lettre commencée pour le citoyen s’achève pour la belle, comme ceci : « Encore, si j’avais le bonheur de vous voir et de vous posséder, aimable Fanquette, hélas ! que je serais content de voir unir mon cœur et le vôtre par une amitié tendre et fidèle ! Si le moment, mon aimable Fanquette, me permettait de vous en dire davantage, je vous en dirais plus, mais ce sera pour une autre occasion. Adieu, aimable Fanquette, portez-vous toujours bien et me croyez toujours pour la vie votre ami inséparable, Pillaut. » Le citoyen Clément de Ris allait évidemment lire à Fanquette ces jolis propos. Cela, maintes fois. Mais il arriva que Fanquette fut infidèle à ses doux sermens. Pillaut eut tort de n’être pas là ; l’on ne savait pas quand il reviendrait, s’il reviendrait jamais. Fanquette épousa un autre jeune homme. Le citoyen Clément de Ris en informa Pillaut, qui eut tout le chagrin possible, avec beaucoup de courage. Pillaut fut magnanime et, apprenant que le mari de Fanquette n’était qu’un « pauvre sujet, » il évita de se réjouir de la vengeance que lui accordait la destinée : « Je souhaite que l’Être Suprême donne à cette ingrate la force de supporter toutes les adversités qu’il pourra lui arriver dans son alliance, et qu’elle les supporte avec patience tant terrestre que spirituelle, et qu’ils passent des jours tranquilles… » Généreux Pillaut, qui répond bonnement à la perfidie !… Au surplus, il ne doute pas qu’à la paix quand il pourra « recouvrir sa liberté, » il ne trouve un autre cœur « plus fidèle et plus digne de son estime. » Provisoirement, il retourne « à son drapeau, » la tête libre et débarrassée de Fanquette.

Jabouille aussi a des chagrins d’amour ; Jabouille qui, autrement, serait heureux : car on l’a promu lieutenant, a et lieutenant de