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été frappé et la cloison étanche du premier compartiment n’a pas cédé. On remplit les water-ballasts arrière, on se redresse, on marche tout doucement et enfin, vers le soir, on s’amarre à Birkenhead. On est sauvé !…

Pas du tout. En pleine nuit, des bombes éclatent. L’une d’elles perce la coque après avoir traversé les ponts. Le vapeur coule. C’est le dernier coup d’un Zeppelin dont on a aperçu, un moment, le projecteur et qui, maintenant, s’éloigne impuni dans le sombre…

Voilà, certes, un tableau à faire pâmer d’aise nos ennemis ! Voilà ce qu’ils eussent voulu, ce qu’ils eussent dû faire, — questions d’humanité et de droit à part, bien entendu ! — pour intimider réellement les marins d’Angleterre, pour affamer la Grande-Bretagne, pour intercepter les arrivages des matières premières qui lui sont indispensables. Les Allemands sont loin de compte I De cette impressionnante mise en scène il ne reste, — qu’on me passe l’expression, — qu’un numéro, celui des sous- marins et, comme je l’ai dit plus haut, le succès en sera forcément médiocre. Un officier général de la marine impériale vient de le reconnaître, parait-il : « Nous n’avons pas le matériel nécessaire pour faire effectivement le blocus des eaux anglaises, » a-t-il dit avec mélancolie[1]

Il reste toutefois, je le répète, qu’il y aura des pertes, que les deux alliés supporteront avec une constance sereine. On me pardonnera de ne pas dire ici de quels moyens les états-majors des deux marines comptent user pour en réduire le plus possible la gravité et l’étendue. Soyons certains que ces moyens ont une réelle efficacité. Quant à celui, — le moyen décisif, radical, — que j’avais cru devoir préconiser ici, si j’ai pensé un instant, d’après une phrase mal traduite du discours de M. Winston Churchill, qu’on se décidait à l’employer, j’ai dû revenir de mon erreur. Il ne s’agit, toujours, que de serrer l’écrou de la vis de pression économique. Inclinons-nous, en reconnaissant que tous les chemins mènent à Rome. Ils sont seulement plus ou moins longs…


Contre-amiral DEOOUY.

  1. Matin du 22 février, citation du Hamburger Fremdenblatt.