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des jeunes hommes, des apprentis fusiliers de dix-huit à vingt ans[1], prélevés dans les dépôts avant l’achèvement de leur instruction, mais solidement encadrés par des gradés de la réserve et de l’active. Les officiers eux-mêmes, sauf les commandans des deux régimens (commandant Varney et commandant Delage), qui avaient rang de colonels, et les commandans des bataillons, appartenaient pour une bonne part à la réserve de la flotte. Singulière armée au demeurant, composée presque tout entière de recrues et de brisquards, poils follets et barbes grises. Il s’y voyait jusqu’à des novices de la Compagnie de Jésus, le P. de Blic[2] et le P. Poisson[3], qui servaient comme enseignes. Les barbes grises ne furent pas les moins éprouvées au début de la campagne. On leur en a fait un reproche. Si tant d’officiers sont tombés, ce n’est point par vaine gloriole, encore moins, comme on l’a laissé entendre, par ignorance du métier militaire[4], mais parce que les chefs doivent prêcher d’exemple et qu’il n’y a pas deux manières d’apprendre aux autres à bien mourir. N’oublions pas qu’ils commandaient à des recrues, presque à des enfans. Tels chefs, tels soldats. « Si vous allez ne parlant à personne, triste et pensif, dit Montluc, quand tous vos hommes auraient cœur de lion, vous le leur ferez venir de mouton. » C’était bien l’avis des officiers de la brigade et de celui-là même qui commandait le 2e régiment, le capitaine de vaisseau Varney, « toujours sur la brèche, au rapport d’un témoin, poussant à pied jusqu’aux premières lignes et aux postes avancés, les dépassant même, comme à Melle… Et il est vrai, ajoute ce témoin, qu’il était alors en auto-mitrailleuse, mais… sur le marchepied, complètement découvert, pour donner confiance à ses hommes[5]. » Un des officiers de son régiment, le lieutenant de vaisseau Gouin[6], grièvement blessé dans la même rencontre, refusait de se rendre à l’ambulance, tant que l’ennemi n’avait pas battu

  1. Même de seize, comme, ce jeune Yves Lebouc, de l’École des mousses, parti au front sur sa demande et blessé en relevant son capitaine.
  2. Tué à Dixmude. Décoré de la Légion d’honneur.
  3. Blessé à Dixmude. Décoré de la Légion d’honneur.
  4. Cf. Dr Caradec. (La brigade des fusiliers marins de l’Yser. — Dépêche de Brest du 19 janvier 1915.)
  5. L’abbé Le H…, Corresp. Le 2e régiment fut seul engagé pendant les journées des 9 et 10 octobre.
  6. Tué à Dixmude.