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dépassé la Dender. Nous n’avons que le temps d’occuper nos tranchées ; en dernier ressort, s’il faut nous rabattre sur Melle, nous trouverons un épaulement tout organisé dans le talus de la voie ferrée, près du pont de la gare.

Anvers brûle et les heures qu’il lui reste à vivre sont comptées : les forces anglaises et la dernière division belge ont heureusement pu quitter la ville dans la nuit ; elles ont fait sauter les ponts derrière elles et, à marche forcée, se sont portées vers Saint-Nicolas qu’elles ont atteint au petit jour. Elles espèrent gagner Eeclo à la brune. Mais déjà l’ennemi les relance : un parti de cavalerie allemande est signalé à Zele et près de Wetteren où il a traversé l’Escaut sur un pont de péniches ; au hameau de Bastelœre, il s’est heurté aux avant-postes belges, dont l’artillerie l’a provisoirement arrêté ; d’autres forces, plus au Nord, poussent dans le pays de Waës jusqu’à Loochristi, à 10 kilomètres de Gand. Une partie de ces forces viennent d’Alost ; les autres d’Anvers même ; le gros de l’armée ennemie demeure cependant à Anvers : nous ne pouvons qu’en marquer notre satisfaction.

Il est certain qu’un ennemi moins présomptueux ou moins amoureux de l’effet théâtral se fût jeté avec toutes ses disponibilités sur les derrières de la retraite : celui-ci préféra faire une entrée tapageuse dans les rues d’Anvers, à midi, fifres sonnans, enseignes déployées. À la même heure, les troupes qu’il avait détachées d’Alost prenaient leur premier contact avec le deuxième régiment de la brigade. On les attendait et quelques salves bien dirigées suffirent à briser leur élan. Suivant l’expression d’un des fusiliers, les Allemands « tombaient comme des quilles » à chaque décharge. « Ça sifflait aussi autour de nos têtes, » écrit un autre des combattans, qui exprime le regret de n’avoir pu « graisser » à ce moment sa baïonnette « dans le ventre des Boches. » Ce devait être pour plus tard. L’ennemi revenait en force et le commandant Varney crut bon d’appeler sa réserve, remplacée aussitôt à Melle par un bataillon de la réserve générale. « Il y eut là, dit le Dr Caradec, un certain canon qui fut mis en batterie par les Boches à 800 mètres des tranchées : il n’avait pas tiré son quatrième coup qu’on lui démolissait attelage et servans. La pièce ne put être enlevée qu’à la nuit. » En général, du reste, le tir ennemi, sensiblement trop long, nous fit peu de mal au cours de cette bataille :