Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les échos du canon réveillent un jour prochain les quarante et un siècles endormis au haut des Pyramides, ce ne sera pas pour leur faire contempler des batailles aussi formidables que celles d’autrefois.

Mais quelle guerre ! Elle est partout, et les Allemands s’ingénient pour l’étendre encore, afin de diviser nos forces toujours davantage. Cela ne les sauvera pas, et ils commencent à s’en douter. Le ton de leurs journaux est bien changé. La colère et la rage se donnent toujours carrière, mais la confiance diminue. On peut en juger par la lecture des articles de M. Maximilien Harden dans le Zukunft. M. Harden est l’enfant terrible de la presse allemande, qui dit tout ce qu’il pense au jour le jour sans se préoccuper des suites. Il était fier, et arrogant, et menaçant au commencement de la guerre. Le cynisme germanique s’étalait le long de ses colonnes avec une particulière impudence. M. Harden sonnait éperdument la fanfare des conquêtes prochaines qu’il étendait jusqu’à Calais et de là jusqu’en Angleterre : il n’y avait plus qu’un fossé à franchir, un bond à faire. Il écrit maintenant : « Battez-nous, plongez-nous dans la mer, dans le Rhin ; affamez-nous jusqu’à ce que nous nous soumettions. Nous mourrons honorablement, nous mourrons debout, les mains propres. Nous ne savons pas si nous vaincrons, mais nous savons que nous ne périrons pas d’une manière indigne. »

M. Harden en est-il bien sûr ? L’Allemagne ne mourra pas d’une manière indigne en ce sens que son armée se bat bravement ; mais combien d’indignités n’a-t-elle pas accumulées ! Le sang qu’elle verse avec courage sur les champs de bataille ne la sauvera pas de la honte de tant de victimes innocentes qu’elle a sacrifiées, à la monstrueuse idée qu’elle s’est faite de la guerre et qui, à travers l’histoire, ne cesseront pas de crier contre elle justice et pitié !


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHAMRES.