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le temps et la place nous manquent pour traiter aujourd’hui une question aussi complexe.

Si nous avions à la traiter sous toutes ses faces, il faudrait nous demander quelle impression produirait la venue des Japonais en Europe sur certaines nations qui nous témoignent en ce moment de la sympathie, notamment sur l’Amérique. Les États-Unis ont dans leur sein un très grand nombre d’Allemands, et c’est sans doute à ce fait qu’il faut attribuer l’hésitation qu’ils ont mise à se prononcer entre les belligérans au commencement de la guerre. Pays pratique, l’industrie et le commerce allemands étaient pour eux un sujet d’admiration. Pays de grande et de noble imagination, l’idée qu’ils se faisaient de la science allemande exerçait sur eux un puissant prestige. Mais tout cela a changé : la violation de la neutralité belge et le mépris arrogant, outrageant, du droit des gens et des devoirs envers l’humanité ont révolté la conscience américaine, et les savans allemands se sont chargés de dissiper eux-mêmes le prestige dont leur science jouissait à l’excès. Aujourd’hui, les États-Unis sont favorables aux alliés et nous nous en tenons pour très honorés. Aussi y a-t-il eu chez nous un moment de surprise lorsque les agences télégraphiques nous ont apporté le résumé d’une note que le président Wilson venait d’adresser au gouvernement anglais.

Hâtons-nous de dire que cette première impression a été sensiblement atténuée quand le document lui-même a été connu. M. Wilson prenait soin de dire, dès le début, que ses intentions étaient amicales et que sa franchise n’avait d’autre objet que de dissiper tous les malentendus. Comment ne pas tenir le plus grand compte d’intentions aussi nettement exprimées ? Ne sont-elles pas presque tout en pareil cas ? Ceci dit, M. Wilson se plaignait des entraves que le droit de visite apportait au commerce des neutres. Il n’en contestait pas le principe ; comment un homme aussi versé que lui dans le droit public aurait-il pu le faire ? Il n’en avait même pas la pensée, mais il discutait, — quelquefois avec un peu de rudesse et d’âpreté, — sur la manière dont l’Angleterre use de ce droit, sur la saisie d’un trop grand nombre de navires, sur la longue durée de leur détention avant qu’une solution intervienne, sur l’insuffisance de la réparation, quand elle est était accordée, enfin sur la gêne que tant de hasards à courir faisait peser sur le commerce américain. M. Wilson a d’ailleurs une trop grande probité d’esprit pour ne pas reconnaître, et il a formellement reconnu, que des fraudes avaient été commises et il a invité ses compatriotes à ne pas tomber dans la récidive. Soit, mais comment