Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’escadre italienne n’était pas intervenue : quelques coups de canon, tirés de la mer, lui ont suffi pour disperser les insurgés. Nous ne sommes pas sûr que le mot d’insurgé soit ici tout à fait en situation, mais on risque peu de se tromper en l’appliquant indistinctement à tout le monde en Albanie. Les Italiens auraient pu débarquer à Durazzo : ils n’en ont rien fait, et ont annoncé l’intention de n’en rien faire. Sans doute ont-ils raison, car l’Albanie est un nid de guêpes : mais l’occupation de Vallona suffit à les brouiller avec l’Autriche. Dès ce moment, l’Italie se trouve engagée contre elle. Si l’Autriche triomphait dans la grande guerre où elle s’est si étourdiment jetée, l’Italie aurait un compte délicat à régler avec elle. Au contraire, si l’Autriche ne triomphe pas, l’affaire est toute réglée. On voit de quel côté sont les intérêts de l’Italie : elle a dû faire ses calculs en conséquence. Nous serions d’ailleurs bien surpris si elle s’en tenait là. Toute la question de l’irrédentisme se trouvera posée demain.

Il est donc probable que l’Allemagne et l’Autriche, puisqu’elles sont inséparables, auront demain en commun de nouveaux ennemis. A vrai dire, la Roumanie et l’Italie n’ont rien à demander, à arracher à l’Allemagne, mais ce n’est pas leur faute si celle-ci est à côté de l’Autriche, avec son armure, qui était jadis plus étincelante : les amis de nos ennemis sont aussi nos ennemis. La coalition formée contre l’Allemagne et l’Autriche s’accroîtra donc bientôt d’autres élémens et, au même moment, un peu plus tôt ou un peu plus tard, l’Angleterre commencera à nous envoyer les renforts qu’elle nous a promis. Un article du Times, publié à l’occasion du 1er janvier, a parlé de l’armée française en termes excellens : il reconnaît que c’était elle qui fait en ce moment le gros du travail et qu’elle le fait avec héroïsme, et il nous en témoigne la plus vive gratitude ; mais il ajoute que, sous peu, de nombreux contingens britanniques viendront se ranger à nos côtés. Ils seront les bienvenus et jamais nous n’aurons été (plus forts qu’à ce moment.

La guerre actuelle apportera des leçons à tout le monde : les Anglais en auront quelques-unes à recueillir. Ils se demandent déjà, — phénomène tout nouveau ! — s’ils ne seront pas amenés un jour à substituer le service obligatoire au système d’enrôlemens volontaires qui leur a suffi jusqu’à présent. Hier encore, ils ne voulaient pas entendre parler de la question, même lorsqu’elle était posée par l’illustre lord Roberts, le plus grand soldat de l’Angleterre, alors sur le point de venir terminer au milieu des feux de la guerre une vie qui