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de Hongrie sont trop confuses, trop contradictoires même, pour qu’on puisse en faire état. Nous parlions récemment d’un discours de M. Tisza qui, sous l’émotion de circonstances de plus en plus inquiétantes, parlait comme si la Hongrie allait se séparer de l’Autriche et pourvoir seule à sa propre sécurité. On racontait alors, dans les journaux que le ministre hongrois s’était rendu auprès de l’empereur d’Allemagne pour lui demander que l’armée hongroise fût seulement employée à la défense du territoire hongrois. Bien entendu, l’empereur Guillaume avait refusé. à est difficile de savoir s’il y avait là même une partie de vérité et on peut en douter puisque, depuis lors, M. Tisza a affirmé que l’alliance avec l’Allemagne était plus intime et plus solide que jamais. Ce qui avait sans doute donné naissance aux bruits contraires, c’est que l’Autriche et encore plus la Hongrie auraient eu un intérêt évident à sortir de l’aventure où elles s’étaient laissé si imprudemment entraîner et dont elles auraient pu alors arrêter et limiter les frais. Bismarck, en pareil cas, n’aurait pas hésité à le faire, lui qui a soutenu le principe, dont ses successeurs ont si fort usé et abusé, que les traités ne lient un pays qu’aussi longtemps qu’ils lui sont utiles. Mais l’Autriche a eu des scrupules et il y a tout lieu de croire qu’elle a laissé passer le moment où elle aurait pu encore se dégager de la rude étreinte allemande et accommoder sagement les restes de ses territoires amoindris. N’est-il pas trop tard aujourd’hui ?

Des événemens nouveaux se préparent. La guerre traîne un peu, mais les combinaisons politiques vont leur train. La Roumanie, l’Italie ont proféré des paroles significatives et ne restent pas inactives. Tout donne à croire que la première est sur le point de sortir de sa neutralité pour enlever à l’Autriche les provinces roumaines qu’elle détient, la Transylvanie, la Bukovine, une partie du Banat. Nous avons vu à Paris trois Roumains de grande distinction, appartenant au monde de la politique et de la science, qui sont venus remplir chez nous une de ces missions dont on ne saurait trop dire si elles sont officielles ou officieuses, mais où il est permis de reconnaître la pensée de leur pays et de leur gouvernement. Un banquet leur a été offert, auquel assistait le ministre de Roumanie à Paris, le sympathique M. Lahovary, et que présidait M. Paul Deschanel. On ne peut guère se tromper sur le sens des discours qui ont été prononcés et sur les intentions qu’ils révèlent. La Roumanie a pris son parti et elle l’exécutera bientôt. Elle était demeurée jusqu’ici non pas dans l’hésitation, mais dans l’expectative, pour divers motifs dont le principal