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pulvériser la ville. » À Louvain, même chose : un soldat dit au témoin R. v. K. de partir, que la ville va être brûlée et rasée. Mieux, le mardi 25 août, le matin, — les fusillades n’éclateront qu’à la nuit, — des officiers allemands préviennent Mme R. qu’elle agirait sagement en s’éloignant, Louvain devant être incendié… Il semble se confirmer d’ailleurs que Louvain fut détruit par ordre supérieur, pour terroriser Bruxelles récemment occupée et à laquelle on n’osait pas toucher.

À toutes les horreurs résumées plus haut les officiers prennent leur part. Plusieurs fois déjà nous les avons vus apparaître. Diriger ces opérations est une partie de leur rôle. C’est sur leur commandement que les civils sont poussés devant les troupes, que les fusillades s’organisent, que les actes cruels se multiplient. Entrant à Aerschot à la tête de ses hommes bien rangés, c’est un officier qui tire un coup de revolver sur une jeune femme qui se penche à un balcon, porteuse d’un petit enfant. Ce sont des officiers qui, à Tamines, les mitrailleurs ne pouvant plus, — tant l’horreur était grande, — continuer le massacre des habitans massés, prennent la place de leurs hommes et tournent froidement la sinistre manivelle. C’est un commandant qui, le 27 août, à W., rencontre la Sœur Aldegonde : il lui demande où est le curé. — « Sans doute à la cure, » répond la religieuse. Aussitôt il prend son revolver, l’appuie sur la poitrine de la pauvre fille et lui dit : « Accompagnez-moi, et, si je ne trouve pas le curé à la cure, je vous tue et j’ordonne d’incendier le village ! » Ainsi parlent aux femmes les chevaliers allemands ! C’est un lieutenant de réserve du 163e d’infanterie qui, ayant enfermé à T. les femmes et les enfans dans un couvent où il vient d’être hébergé plusieurs jours, menace de tuer le premier qui bouge, et de tuer par surcroit des prêtres prisonniers dans une autre salle.

Ce sont les officiers qui ordonnent les incendies, qui en règlent l’ordonnance, qui en surveillent l’exécution ; qui, lorsque le corps des pionnieren, spécialement affecté à cette besogne, n’est pas présent, travaillent minutieusement à faire, sans fautes de style, une belle flambée. À Rethy, le rapport de la commission judiciaire envoyée sur les lieux, décrit les incendiaires entrant dans chaque maison, allumant avec soin, chambre par chambre, les rideaux, les vêtemens, les matelas : ce ne sont que des uhlans sans engins ad hoc. Quand la