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LA BELGIQUE MARTYRE.

de ses vètemens jetés, de son sac, de ses armes. « En visitant le sac, dépose le sergent, nous y avons trouvé la main d’un petit enfant de deux à trois ans : elle avait été coupée un peu au-dessus du poignet. Dans notre fureur nous avons dit à l’Allemand : c’est vous qui avez fait cela ? Et, sur son aveu, nous l’avons fusillé. » C’était un soldat de la landwehr. Le 20 octobre, sur l’Yser, après un assaut contre Pervyse, on fouille six prisonniers que l’on vient de faire : sur l’un d’eux on découvre deux mains d’enfans coupées… Les pères de famille d’outre-Rhin rapportent chez eux sans honte ces glorieux trophées. N’en a-t-on pas vu un marcher dans les rangs, au vu de ses officiers, portant fièrement un petit enfant embroché à sa baïonnette ?

Et ce n’est point le fanatisme qui les pousse, le désir d’exterminer. C’est le plaisir de faire mal. Voyez ressusciter dans cet épisode affreux tous les instincts du barbare : c’est le général baron de Stein d’Altenstein qui écrit, le 18 septembre, à la Commission : « La nommée Barbara Verbandert, épouse de Jean-Franz Dewit, de Humbeek-lez-Wolverthem, me déclare que les Allemands ont publié ce matin l’avis que tous les habitans devaient avoir quitté le village pour dix heures. Elle partit donc avec ses six enfans, trois dans une première charrette, trois avec elle dans une autre. La première charrette avait pris une avance de plus de cent mètres, quand, avant d’arriver à la chapelle Saint-Roch, des coups de feu retentirent tout près, et deux enfans, Jean et Florentine, âgés de dix et de six ans, furent tués. La cervelle de l’aîné fut projetée sur le sol ainsi que sa casquette. Le conducteur s’enfuit dans la charrette qui contenait les cadavres, et quand le second véhicule arriva à la hauteur des Allemands, ceux-ci, devant la mère, donnaient des coups de talon à la casquette et aux débris de cervelle en criant : Belgische Bluth ! Belgische Bluth ! La mère leur dit que c’étaient les débris de la tête de son enfant. Ils répondirent : « C’est du cheval ! » et en jetèrent une partie dans la haie… Les cadavres m’ayant été amenés à Raemdonck, je les ai fait examiner par le Dr  van Wien, du 3e chasseurs à pied, lequel, croyant, sans pouvoir l’affirmer, que la blessure a été causée par une balle dum-dum, les a fait transporter à l’infirmerie de Willebroek pour être examinés… »

Belgische Bluth ! C’est du cheval ! La lourde plaisanterie germanique apparaît dans la cruauté de ces hommes. Elle s’y mêle, la complète, la parfait. Leur inconscience s’y étale, leur cynisme