Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LA BELGIQUE MARTYRE.

tein, occupe Elewyt : les filles de plusieurs notables, âgées de seize et dix-sept ans, sont violées pendant que les parens sont tenus en respect. La servante du vicaire d’A. se défend de ses insulteurs : on la jette à l’eau et on la noie. Aux environs de Montaigu, où des centaines de femmes (témoignage de M. J., séance du 26 septembre) subissent le même sort, un fermier du Keyberg, frappé à coups de crosse parce qu’il voulait protéger sa femme, est serré dans des cordes ainsi que ses enfans, pendant que les Allemands, de neuf heures du soir à six heures du matin, abusent de celle qui continue à l’appeler au secours. À Buecken, près de Herent, après une odyssée sanglante, les hommes de ce dernier village sont attachés à des canons, puis leurs femmes outragées au milieu de leurs enfans, la baïonnette leur piquant le sein. Un général, le lendemain, sans réprimander en rien ses hommes, envoie ces malheureuses vers les lignes belges : « Nous ne vous tuerons pas, ricane-t-il, vous serez tuées par vos propres amis. » Et sous les shrapnels qui éclatent, elles s’enfuient vers l’artillerie belge postée à Malines. À Beyghem, des hommes de trente à trente-cinq ans, qui viennent de brûler trois églises, et parmi lesquels se trouve, donnant ses ordres, l’ober-lieutenant Kümer, conduisent leur proie, une jeune fille, à la cure, abusent d’elle devant la sœur du curé et le curé lui-même qu’ils ont déshabillé, qu’ils empêchent de fermer les yeux ou de tourner la tête ; je néglige les détails immondes. Il faut passer rapidement d’ailleurs sur ce chapitre où les faits se multiplient à l’infini, dans un crescendo d’ignominies. Les magistrats et les membres de la Commission constatent pourtant l’effort que font les victimes de ces attentats pour les tenir secrets. Les plus criminels peut-être, ceux qui ont été commis par des officiers sur des jeunes filles du monde, dans les maisons dont ils étaient les hôtes, sont destinés, par la discrétion désespérée qu’on met à les cacher, à ne jamais être révélés.

Mais on comprend mieux, à connaître ces gestes odieux, le sadisme lâche apporté par les Allemands, dans leurs cruautés mêmes, leur goût barbare de s’attaquer à ce qui est faible et beau, et de raffiner les tortures. Les victimes qui furent fusillées purement et simplement, et qui se comptent par milliers, trois mille dans la seule province de Namur, une des moins peuplées du pays sont, pour la plupart, des hommes valides. Ceux