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de la Tsarine, installé cet hôpital et a pris elle-même le costume des dames de la Croix-Rouge, pour donner son assistance personnelle aux blessés, en compagnie de sa charmante fille, assistée aussi par des dames de la noblesse russe et d’aimables Françaises. Le grand industriel Louit a mis fort gracieusement à leur disposition le château qui lui appartient aux environs de Blanquefort dans la banlieue de Bordeaux, demeure somptueuse placée dans la plus riante et la plus salubre des campagnes. Les salons du rez-de-chaussée et du premier étage sont devenus des chambres d’hôpital, des salles de lingerie, de radiographie, de pharmacie, de laboratoire, d’opérations. La lumière et l’air y pénètrent à flots, et le matériel très complet est de premier ordre. Sous la direction de MM. de Poliakoffet Soulié, aidés de MM. Goloubef, Serge Kowievitch, Nicolas Raffalovich, Karaoulof et le colonel de la garde impériale Kiklen, le savant chirurgien Veronof, avec son frère et le docteur Rosenblat, soignent et guérissent les blessés qui ont déjà atteint le chiffre d’une centaine. Le docteur Veronoff jouit personnellement de la plus haute réputation par ses cures de premier ordre et ses audaces chirurgicales. Il a, en matière de gregfe animale, réalisé des prodiges et s’apprête à en opérer d’autres, qui feront, je l’affirme, très grand bruit. Il mène son hôpital avec une maîtrise incomparable, écouté, obéi de tous et adoré par ses malades, qui ont en lui la confiance la plus absolue. Je suis sorti émerveillé de tout ce que j’ai vu et entendu à Blanquefort et je me suis dit que bienheureux étaient les soldats et officiers qui recevaient les soins de ces praticiens émérites et des anges gardiens qui se montrent à leurs yeux ravis sous le blanc uniforme des dames de la Croix-Rouge. Nulle part on n’a su mieux convertir un lieu de souffrances en un tel lieu d’apaisement physique et moral. Grâces en soient rendues à notre chère alliée, la Russie, et à nos compatriotes qui ont donné à ce mot si pur, si tendre, si éloquent, « la charité, » son sens si vrai et si doux.


HENRI WELSCHINGER-