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morceau de même que dans tout le reste du recueil, — à l’exception, hélas ! des pauvres Souvenirs préliminaires du professeur Hausrath, — le lecteur éprouve l’agréable surprise de rencontrer une composition, un mouvement, un relief littéraire excellens, fort au-dessus non seulement des productions récentes de la science d’outre-Rhin, mais encore de l’ordinaire de ses productions aux époques heureuses d’avant l’ « héritage. » Le fait est que je ne me souviens pas d’avoir lu jamais une prose dogmatique allemande qui possédât à un si haut degré les qualités classiques d’ordre et de lumière, voire cette qualité de « mesure » que j’aurais crue inaccessible à tout esprit d’Allemagne. Mais c’est que, aussi bien, — à la différence de Nietzsche, qui n’avait absolument aucun droit à se proclamer d’origine polonaise, — l’initiateur du « pangermanisme » conservait dans ses veines le sang slave de ses aïeux, les tchèques Terzky, nommés par Schiller dans son Wallenstein. « Avec ses cheveux noirs, — nous dit de lui M. Hausrath, — sa lourde moustache, et la vivacité fiévreuse de ses gestes, c’était bien le pur Slave, le type achevé du gentil homme polonais, en même temps que sa carrure seigneuriale faisait songer à quelqu’un des nobles compagnons de Jean Huss. »

D’où résulte que Treitschke, malgré tout son « pangermanisme, » avait aussi l’âme trop foncièrement « slave » pour pouvoir se satisfaire de la grossièreté allemande. Son article sur la Législation internationale, et chacun des autres morceaux qui forment le récent recueil anglais, abondent en passages qui, trente années d’avance, condamnent les procédés militaires des « vainqueurs » de Louvain. Treitschke n’entend pas qu’une armée conquérante fusille ou égorge d’infortunés paysans, sauf le cas où ceux-ci se sont fait prendre en flagrant délit d’espionnage ou d’attaque déloyale. Il établit, comme un principe fondamental, que jamais l’armée conquérante ne doit mettre la main sur « la propriété des personnes privées. » Ou bien encore il écrit : « On doit considérer comme l’un des plus précieux progrès de la législation militaire internationale le principe, désormais consacré, suivant lequel tous les trésors de la civilisation, tous les objets qui relèvent du domaine de l’art ou de la science, et qui constituent le bien commun de l’humanité, doivent être rigoureusement garantis contre tout risque de pillage ou de vol. » Et puis encore : « Chaque membre individuel de l’une des armées belligérantes, chaque personne ayant l’autorisation de participer à la défense nationale, sont en droit d’exiger un traitement honorable, lorsqu’il leur arrive d’être faits prisonniers de guerre ; et la moindre tentative