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fortement que jamais, la seconde assurance, relative à la nationalité de Beethoven. On le sait, et notre confrère M. Pierre de Nolhac le rappelait dernièrement, les van Beethoven étaient originaires des environs de Louvain. Leur nom figure dès le XVIe siècle dans les archives du pays. En 1650, un Beethoven est établi à Anvers. Son fils, Guillaume, épouse une Anversoise, Catherine Grandjean. Henri, fils de Guillaume, a le titre de bourgeois d’Anvers. L’un de ses douze enfans, Louis, grand-père du compositeur, habite Gand, Louvain ensuite, comme chantre de l’église Saint-Pierre. Il se fixe enfin à Bonn, où il est nommé membre, puis directeur de la chapelle de l’électeur-archevêque de Cologne. Son fils Jean, ténor de la dite chapelle, prend pour femme Madeleine Keverich, fille d’un cuisinier de l’électeur de Trêves, et de ce mariage naît le maître des neuf symphonies. Ainsi nous apparaît, purifié, le sang qui coulait dans les veines de Beethoven, et nous sommes heureux de restituer à la patrie flamande, à cette terre, à cette race de héros entre toutes, le plus héroïque de tous les musiciens.

Flamand par ses origines, Allemand (des bords du Rhin) par le lieu seul de sa naissance, c’est à Vienne que Beethoven passa la plus grande partie de sa vie. Mais s’il fut en réalité l’hôte, et l’hôte fidèle ; de la capitale autrichienne, il ne s’en regarda jamais, au fond de son cœur, comme le fils adoptif, encore moins aimant et pieux. Toujours il regretta le Rhin. Il souhaita même parfois de connaître la France, surtout la France du Sud, où, disait-il, les femmes sont aussi belles que Vénus, où le parler est harmonieux. Dès l’année 1816, il se plaint à l’un de ses visiteurs, de « l’horrible Vienne » et de la vie qu’il est contraint d’y mener. Au milieu des nombreux et puissans amis qu’il y compte, il ressent l’impression de l’isolement. A Vienne, tout lui déplaît et l’irrite, y compris la cuisine, médiocre, et le vin, frelaté. Ses compagnons de promenade ont raconté que, même dans la rue, à voix haute, comme les sourds, il ne se gênait guère pour se répandre en propos hostiles au gouvernement autrichien. En art, aussi bien qu’en politique, il estimait peu le goût viennois. « Pour ce qu’il y a de bon, de fort, en un mot, pour la vraie musique, tout sentiment s’est perdu ici. En vérité, vous autres Viennois, c’est là que vous en êtes. Rossini et consorts, voilà vos héros. Quelquefois Schuppanzigh[1] me demande un quatuor. Quant aux symphonies, vous n’avez pas le temps. Et vous ne voulez pas de Fidelio. Rossini, Rossini vous plait

  1. Célèbre violoniste, interprète favori de Beethoven.