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SOUVENIRS DE BORDEAUX
1871-1914

Le 11 février 1871, j’arrivai à Bordeaux, comme archiviste à l’Assemblée nationale élue le 8, et j’allai modestement installer mon petit bureau dans le Grand Théâtre au troisième étage donnant sur la rue Esprit-des-Lois. M. de Joly, architecte du Palais-Bourbon, un petit homme au crâne d’ivoire jauni et aux favoris noirs, très agile, très preste, se démenait comme un diable au milieu d’une nuée d’ouvriers. Ce n’était, dans les diverses salles, que coups de marteaux, de scies, de rabots. L’architecte faisait installer en hâte les vestiaires des représentans dans le vestibule du théâtre, au pied du grand escalier qui, par son bel aspect, suggéra à Charles Garnier l’idée du somptueux escalier du Grand Opéra. Il transformait le foyer en salle des Pas-Perdus avec la petite salle qui lui faisait face. Il installait la Questure et la Présidence dans les locaux du cercle de la Comédie et du Club bordelais, puis les divers bureaux et commissions un peu partout. Le Secrétariat de la Présidence, gouverné par M. Valette, un grand vieillard, sec, froid et très érudit, le type incarné du vieux parlementaire, était situé au second étage au-dessus de la salle du Jockey-Club. On créait un plancher au-dessus des fauteuils d’orchestre, pour le mettre de plain-pied avec le plancher de la scène, et sur la scène elle-même, on construisait un immense panneau, contre lequel allaient se dresser le bureau dv. Président et des Secrétaires, puis la tribune. Je vois encore M. Valette, adossé aux rochers de Guillaume Tell, donnant gravement des instructions précises à M. de Joly. A la