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à Paris, et en faisant échouer l’une après l’autre les tentatives anglaises de médiation par une résistance passive. Dans les derniers jours de juillet, les rôles changent : l’Autriche devient de plus en plus conciliante et l’Allemagne de plus en plus agressive, de sorte que l’Allemagne envoie son ultimatum à la Russie le jour même où l’Autriche était sur le point de s’entendre avec elle. Le moment critique de ce revirement fatal est la journée du 29. C’est le 29 que l’Allemagne, revenant tout à coup à son projet, déjà caressé le 26, d’amener la Russie à une capitulation, se substitue à l’Autriche, proteste à Saint-Pétersbourg contre la mobilisation sur la frontière autrichienne, menace enfin de la mobilisation et de la guerre, si la Russie continue à mobiliser, en rendant désespérée une situation déjà critique.

Il semble donc impossible de soutenir, comme le fait le gouvernement de Berlin par tous les moyens à sa disposition, que l’Allemagne a été provoquée par la Russie, l’Angleterre et à France. Dans toute cette terrible affaire, ces trois Puissances ont poussé l’esprit de conciliation jusqu’à son extrême degré. Elles n’auraient pu aller plus loin sans faire acte de renonciation nationale. Leur politique d’ailleurs a été pendant toute cette semaine parfaitement claire et intelligible. Même avec le peu de documens que nous possédons, on la comprend très bien. Que d’énigmes, au contraire, dans la politique allemande ! Celle du 29 juillet surtout reste indéchiffrable. Pourquoi le 29 juillet, tout à coup, moins de vingt-quatre heures après que le Chancelier avait tenu ses excellens propos pacifiques à l’ambassadeur anglais, le gouvernement impérial somme-t-il la Russie de cesser la mobilisation contre l’Autriche, quand l’Autriche ne se sentait pas encore menacée par ces préparatifs russes et ne s’en plaignait pas ? Tel semble être le point capital de toute l’affaire. Malheureusement, c’est le point aussi sur lequel toutes les publications allemandes, officielles et officieuses, gardent le silence le plus profond. Celle que M. de Jagow donna le 30 à M. Jules Cambon, à savoir que « les chefs de l’armée insistèrent[1], » est trop concise et insuffisamment claire.

Tant que d’autres explications ne nous seront pas données,

  1. Livre jaune, n. 109.