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L’ambassadeur d’Allemagne m’informe, au nom du Chancelier, que l’Allemagne n’a pas cessé d’exercer à Vienne une influence modératrice et qu’elle continuera cette action même après la déclaration de guerre. Jusqu’à ce matin, il n’y avait aucune nouvelle que les armées autrichiennes-eussent franchi la frontière serbe. J’ai prié l’Ambassadeur de transmettre au Chancelier mes remercîmens pour la teneur amicale de cette communication. Je l’ai informé des mesures militaires prises par la Russie, dont aucune, lui dis-je, n’était dirigée contre l’Allemagne ; j’ajoutais qu’elles ne préjugeaient pas non plus des mesures agressives contre l’Autriche-Hongrie, ces mesures s’expliquant par la mobilisation de la plus grande partie de l’armée austro-hongroise.

L’ambassadeur se prononçant en faveur d’explications directes entre le Cabinet de Vienne et nous, je répondis que j’y étais tout disposé, pour peu que les conseils du Cabinet de Merlin dont il parlait trouvassent écho à Vienne.

En même temps je signalais que nous étions tout disposés à accepter le projet d’une conférence des quatre Puissances, un projet auquel, paraissait-il, l’Allemagne ne sympathisait pas entièrement.

Je dis que, dans mon opinion, le meilleur moyen pour mettre à profit tous les moyens propres à produire une solution pacifique consisterait en une action parallèle des pourparlers d’une conférence à quatre de l’Allemagne, de la France, de l’Angleterre et de l’Italie et d’un contact direct entre l’Autriche-Hongrie et la Russie à l’instar à peu près de ce qui avait eu lieu aux momens les plus critiques de la crise de l’an dernier.

Je dis à l’Ambassadeur qu’après les concessions faites par la Serbie, un terrain de compromis pour les questions restées ouvertes ne serait pas très difficile à trouver, à condition toutefois de quelque bonne volonté de la part de l’Autriche et à condition que toutes les Puissances usent de toute leur influence dans un sens de conciliation.

(Communiqué aux Ambassadeurs en Angleterre, en France, en Autriche-Hongrie et en Italie.)


Le ton de ces déclarations ne pouvait être plus rassurant. Malheureusement, quelques heures après cette conversation, arrivait à Saint-Pétersbourg la réponse du comte Berchtold, qui refusait de soumettre à une discussion la note de la Serbie. La conversation entre Vienne et Saint-Pétersbourg, conseillée par l’ambassadeur d’Allemagne, devenait donc impossible[1]. Toutefois ce contretemps ne découragea personne. Les efforts en faveur de la paix redoublèrent de tous les côtés. Le chancelier de l’Empire allemand exprima à l’ambassadeur d’Angleterre son vif regret du refus de l’Autriche ; mais il ajouta que, comme l’Autriche ne faisait la guerre que pour se garantir contre le manque de sincérité des Serbes, il avait conseillé au

  1. Livre Orange, doc. n. 45 et doc. n. 56.