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l’appui de l’Allemagne en vue d’une action commune. Que faisaient, pendant cette même journée, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie ? Le gouvernement allemand a toujours affirmé qu’il n’avait pas connu la note autrichienne avant sa publication et qu’il avait été, tout comme les Puissances de la Triple-Entente, surpris par l’action de son alliée. Il faut reconnaître qu’aucun document n’a contredit, jusqu’à présent, d’une manière décisive, cette affirmation. Il est tout de même surprenant que, s’il n’avait pas été mis au courant par l’Autriche de ce qui allait se passer, le gouvernement allemand ait pu déjà, le 23, le jour même où l’ultimatum autrichien était remis à la Serbie, envoyer de Berlin la longue note, qui a été communiquée, le 24, aux Cabinets de Paris, de Londres et de Saint-Pétersbourg. Après une apologie de l’Autriche et de son action, la note précisait le point de vue allemand dans une conclusion qui ne manque pas de clarté. « Le Gouvernement Impérial désire affirmer avec la plus grande énergie qu’il s’agit d’un conflit dans lequel l’Autriche-Hongrie et la Serbie seules sont intéressées et que les Grandes Puissances doivent s’efforcer de le limiter à ces deux Puissances. Le Gouvernement Impérial désire la localisation du conflit parce que l’intervention d’une autre Puissance pourrait amener, en raison des alliances, des conséquences incalculables[1]. » Tandis que l’Angleterre prépare une intervention des Puissances, l’Allemagne prend position pour le principe de la localisation du conflit qui était particulièrement favorable aux intérêts de l’Autriche ; et elle cherche à imposer ce principe par la menace voilée, mais déjà assez claire, contenue dans l’allusion aux « conséquences incalculables. » L’Autriche-Hongrie, au contraire, cherche à rassurer la Russie par des promesses. Le 24, le comte Berchtold a une conversation très cordiale avec le chargé d’affaires de Russie à Vienne ; et il lui déclare que l’Autriche Hongrie ne se propose en aucune manière de prendre des territoires serbes ou d’altérer l’équilibre des Balkans, mais qu’il désire seulement en finir avec les intrigues de la Serbie[2]. Il ne semble pourtant pas que ni les menaces voilées de la note allemande, ni les déclarations rassurantes du comte Berchtold, aient produit, le 24 juillet, un effet quelconque sur le gouvernement russe.

  1. Great Br., doc. 8. — German White Book, doc. 1. — Livre Jaune, doc. 28.
  2. German White Book, doc. 3.