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droit à la sympathie des autres pays, Sir Edward Grey décllara qu’il n’avait pas encore vu un État indépendant adresser à un autre État indépendant un document of so formidable a character. Il ajouta que l’Angleterre pourrait se désintéresser du conflit, tant qu’il resterait limité à l’Autriche et à la Serbie ; mais que, si la Russie venait, elle aussi, à y être impliquée, l’Angleterre chercherait à se mettre en communication avec les autres Puissances, pour voir ce qu’on pourrait faire[1]. Le même jour, avant de voir l’ambassadeur d’Allemagne, Sir Edward Grey exposa ce point de vue à l’ambassadeur de France et précisa avec lui ses projets d’action. Il s’agissait de proposer à la France, à l’Allemagne et à l’Italie de se joindre à l’Angleterre pour agir ensemble et en même temps à Vienne et à Saint-Pétersbourg, — la capitale de la Russie s’appelait encore de ce nom, à cette époque, — dans un sens favorable à la paix. M. Cambon approuva ; mais il fit la remarque qu’il était impossible d’agir à Saint-Pétersbourg avant que la Russie eût manifesté une opinion ou accompli une action quelconque. Or le délai accordé par l’Autriche était si court qu’il devenait presque impossible d’arranger les choses avant son expiration ; et si, à l’expiration du délai, l’Autriche déclarait la guerre à la Serbie, la Russie serait obligée par l’opinion publique à agir. La chose la plus urgente à faire était donc de convaincre l’Autriche de la nécessité d’accorder un prolongement du délai : et il n’y avait qu’une Puissance capable d’obtenir cette concession de l’Autriche, c’était l’Allemagne. Ces remarques semblèrent très justes à Sir Edward Grey, qui en tint compte dans la conversation qu’il eut ce jour même avec l’ambassadeur d’Allemagne. Il lui dit que, si les relations entre la Russie et l’Autriche prenaient un caractère menaçant, il ne voyait d’autre moyen de sauver la paix qu’une intervention des quatre Puissances à Vienne et à Saint-Pétersbourg. Il ajouta que, pour le moment, il était urgent de convaincre l’Autriche de n’accomplir aucun acte décisif après l’expiration du délai ; et il pria le gouvernement allemand de vouloir bien se charger de cette tâche[2].

Ainsi, le 24 juillet, à peine la crise ouverte, l’Angleterre avait entamé son œuvre de paix, en cherchant à s’assurer

  1. Greal Br., doc. n. 5.
  2. Great Dr., doç. n. 10. — Livre Jaune, doc. 32 ; doc, 33.