Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maître italien. Pas une fois il ne nous dit un seul mot de cette œuvre, pas une fois il ne nous laisse deviner qu’il en a entendu ou déchiffré une seule note : il semblerait que son livre eût été écrit par un sourd-muet. Que l’on imagine une Vie de Poussin où il ne serait pas fait mention de peinture I Mais combien plus « topique » encore, à ce point de vue, le « mémoire » de M. Detlef Schultz sur les Symphonies de la jeunesse de Mozart ! Il faut savoir que le maître salzbourgeois, pendant sa jeunesse, a composé un bon nombre de morceaux qui, sous les noms divers de « sérénades, » de « cassations, » d’« ouvertures, » etc., comportaient exactement la même coupe, la même instrumentation, les mêmes règles et coutumes traditionnelles que ses « symphonies. » Tous ces morceaux étaient, en vérité, autant de « symphonies, » ne différant des pièces proprement revêtues de ce nom que par les circonstances de leur exécution. Or, tandis qu’il analysait note par note jusqu’aux plus insignifiantes des « symphonies » de Mozart, jamais M. Schultz n’a songé à jeter un coup d’œil sur les morceaux, identiquement pareils, que le maître avait composés dans le même temps sous les appellations d’ « ouvertures » ou de « sérénades ! » Et comme quelques-uns de ces morceaux dont il paraît avoir ignoré l’existence étaient, précisément, parmi les œuvres où le jeune Mozart a déployé le plus au large son génie d’invention et de réalisation orchestrales, on peut juger par-là de la portée de ce qu’ont à nous apprendre, touchant celui-ci, les plus abondantes et minutieuses « comparaisons » de la brochure allemande.


Car il va sans dire que M. Schultz, de la même manière que M. Depken, a employé toute sa brochure à établir une sorte de « concours » entre les diverses parties du sujet qu’il traitait. Considérant tour à tour les allegro initiaux, les andante, les menuets, et les finales d’une vingtaine de symphonies de Mozart, — et presque sans s’inquiéter de la date de chacune d’elles, — il s’est livré simplement, dans ces quatre sections de son étude, à une véritable « distribution de prix. » Se représente-t-on un critique français appliquant une telle méthode à l’examen des tragédies de Corneille, y passant successivement en revue la manière de traiter tous les actes, du premier au cinquième, et puis déclarant que, pour les troisièmes actes, la palme revient à Médée et à Théodore, mais que, pour les quatrièmes, ce sont Polyeucte et Agésilas qui méritent la place d’honneur ?

Et que l’on ne croie pas que j’exagère, ni non plus que je tire argument d’un cas exceptionnel ! Ce système de comparaisons entre