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là où ils ont passé il ne reste rien ; quand on les voit pacager en traversant les parties dépouillées du sol, découronnant les talus qui limitent l’érosion et faisant rouler les cailloux qui la tapissent, on est épouvanté des ravages qu’ils commettent. Chaque fois que survient une période de sécheresse, les moutons arrachent l’herbe en la broutant ; la place dépouillée de végétation est ravinée par la première pluie d’orage, qui entraine la précieuse terre de la montagne ; le passage des troupeaux élargit ces ravines, et l’on ne tarde pas à voir des pelouses fertiles transformées en rochers dénudés. La surface et la qualité du pâturage diminuent en même temps, et la quantité de bétail qu’il peut nourrir va toujours décroissant.

Mais le montagnard ne réduit le nombre de ses troupeaux que le plus tard possible, quand il lui est déjà depuis longtemps impossible de les alimenter sans dégât. Bien souvent, appauvri par cette réduction de son bétail, il fuit un sol qui disparait sous ses pas et va chercher fortune au loin, généralement à l’étranger.

C’est ainsi que le département des Hautes-Pyrénées, par exemple, a pendant les années 1846-1901 perdu 34021 habitans de ses arrondissemens en montagne, alors qu’augmentait encore la population de ses plaines.

Au cours de cette période, la diminution a été :


Pour la population en montagne 23, 3 p. 100
Pour la race bovine 4, 9 —
Pour la race ovine. 55, 4 —

et la coïncidence de ces réductions dans le chiffre de la population, du gros bétail et du petit bétail montre nettement, en même temps que les misères locales, la corrélation du dépeuplement avec la décadence pastorale produite par la dégradation des montagnes.

Ce déplorable résultat n’est malheureusement pas une exception.

Les statistiques et les tableaux graphiques de l’Etude sur l’aménagement des montagnes dans la chaîne des Pyrénées, publiés le 1er mai 1904 dans la Revue Philomatique de Bordeaux, ont montré que les arrondissemens en montagne de cinq départemens pyrénéens avaient perdu 161 479 habitans, près du quart (23, 4 pour 100) de leur population, pendant la période 1846-1901.-Comme un inspecteur des Eaux et Forêts, M. L.-A. Fabre,