Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/545

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapidement dans les pays voisins, et qu’une grande commission comptant une quarantaine d’anciens ministres, avec autant de membres de l’Institut, travaille depuis plusieurs mois à la recherche des mesures législatives susceptibles d’augmenter la natalité, comme de diminuer la mortalité. Aucun forestier n’ayant été appelé à y siéger, elle ne semble pas avoir encore signalé au flanc de la France une plaie béante : la dénudation du sol, par laquelle disparait au cours de chaque siècle la population de plusieurs départemens, plaie dont il est urgent de chercher le remède, afin de l’appliquer au plus vite.

C’est surtout dans nos montagnes que la dénudation du sol est une cause accélérée de dépopulation, signalée par Surell depuis plus de soixante-dix ans.

La déglaciation des montagnes. — Les montagnes de France présentent quelques forêts et d’immenses pâturages plus ou moins rocheux, parcourus par des troupeaux qui sont pour les montagnards le principal élément d’existence. Si ces pâturages étaient sagement administrés, s’ils ne recevaient que la quantité de bétail qu’ils peuvent nourrir sans s’épuiser, si quelques travaux d’entretien remédiaient en temps utile à leur dégradation par les eaux pluviales, leur fertilité resterait constante et la situation économique des montagnards se maintiendrait stationnaire ; elle pourrait même être améliorée facilement par la mise en valeur du domaine pastoral.

Il en est malheureusement tout autrement.

La plupart de ces pâturages, qui appartiennent aux communes et sont livrés à la vaine pâture des usagers, reçoivent bien plus de bétail qu’ils n’en peuvent nourrir ; ce bétail exagéré les surcharge et les bergers, dont chacun cherche à occuper le premier les parties les moins abîmées, sans se préoccuper des dégradations que cause son troupeau sur un sol encore détrempé par la fonte des neiges, s’y livrent à une véritable course à la destruction. Souvent même les communes cherchent à augmenter leurs revenus en louant pendant l’été une partie de leurs pâturages aux propriétaires de troupeaux éloignés, qu’on appelle transhumans parce qu’ils émigrent pendant une partie de l’année à grande distance de leur région habituelle ; quand on a vu circuler ces immenses troupeaux affamés, dont chaque animal arrache « ne touffe d’herbe et piétine l’emplacement dépouillé par son chef de file, on se rend compte que