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pape. Si la destinée ne mêla sa vie à aucun de ces événemens illustres qui, par leur éclat même, assurent la célébrité à leurs acteurs, ce pontife nous apparaît cependant paré d’un rare prestige, et ce n’est pas aux contingences qu’il l’emprunte. Par la supériorité de ses talens, par la distinction de son caractère, par ce qu’il y a en lui d’universel et d’achevé, Benoit XIV domine toute l’histoire religieuse de son temps. En ce XVIIIe siècle, siècle de tant de lumières et de si vives illusions, Benoît XIV apporte l’ornement d’une intelligence douée de finesse et de force, l’arme d’une raison droite et d’un jugement que rien n’abusa. Chez ce pape, un équilibre harmonieux unit les facultés les plus opposées et assemble les connaissances les plus diverses : le théologien sévère n’exclut ni l’humaniste délicat, ni l’amateur des sciences naturelles, ni le protecteur des arts. Savant sur beaucoup de choses, Benoit XIV se montre curieux de toutes.

Aussi bien, l’œuvre de sa vie ne parait-elle pas moins digne d’attention que son caractère. Avocat consistorial à ses débuts, il se révéla juriste distingué autant que plaideur habile. La bibliothèque de l’Université de Bologne renferme encore nombre de mémoires présentés par lui au tribunal de la Rote, et l’on se plaît à louer en ces écrits la perspicacité du jugement, la subtilité de la dialectique, la modération des conclusions. Clément XII ne fit que justice en plaçant Prosper Lambertini sur le siège d’Ancône, puis sur celui de Bologne. Par ses vertus, le nouveau prélat devint, en effet, le modèle des évêques de son temps. Prêtre zélé, pasteur plein de bonté, docteur prudent, administrateur scrupuleux, il remplit exactement tous les devoirs de sa charge, sans se reposer sur autrui de la moindre de ses fonctions. Et, parmi tant de travaux, il trouvait encore le loisir de composer de volumineux traités de théologie et de controverse, dont l’appareil fait même de nos jours l’étonnement des plus laborieux érudits. Son élévation sur le trône de Saint-Pierre ne ralentit point son ardeur : Benoit XIV gouverna la chrétienté comme le cardinal Lambertini avait dirigé ses diocèses. Tout fut soumis à son examen, tout fut délibéré, tout fut résolu par lui. Réorganiser la curie, en simplifier les rouages, rétablir l’ordre dans les finances, conseiller les évêques et éclairer leur doctrine, surveiller les séminaires et diriger l’enseignement des clercs, encourager les missionnaires et subvenir à leurs besoins,