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dans le deuxième, celui de son candidat (Eligo in summum Pontificem Eminentissimum Dominum meum Cardinal… X…). Le troisième compartiment s’agrémente d’une devise pieuse ou de tout autre signe de reconnaissance. Une fois rédigé, le bulletin se plie de telle façon que, le nom de l’électeur demeurant caché, la devise reste apparente et naturellement aussi le nom de l’élu : le bulletin est enfin clos par deux cachets et ceux-ci ne doivent porter ni armoiries, ni légendes indiscrètes. Chaque cardinal monte ensuite à l’autel et dépose son vote dans le calice ayant servi à la messe et laissé là pour la circonstance. Lorsque tous ont défilé, le plus jeune des scrutateurs couvre le vase sacré d’une patène, l’agite deux ou trois fois pour bien en mélanger le contenu, puis le descend solennellement et le pose sur la table dressée au pied du sanctuaire. Les bulletins sont alors extraits l’un après l’autre par le doyen des scrutateurs : il les remet au premier de ses assistans, qui les compte, les vérifie et les passe au dernier scrutateur : celui-ci lit à haute voix le nom et la devise tracés sur chaque billet. Une fois le dépouillement terminé, le camerlingue en proclame le résultat : s’il n’est pas définitif et que l’accès ne soit pas jugé utile, on commence un second scrutin. Auparavant, les bulletins dont il a été fait usage sont ostensiblement passés sur un lacet de soie, liés ensemble, portés dans la sacristie de la Sixtine et brûlés aussitôt. On empêche ainsi toute confusion de se produire entre les bulletins des différens tours, car, le Sacré Collège, siégeant d’ordinaire matin et soir, peut voter quatre ou cinq fois par jour. Expliquer des rites aussi minutieux n’était certes pas une vaine formalité : aussi, dès que Reali eut cessé de parler, les cardinaux de la façon de Clément XII, dont c’était naturellement le premier conclave, affluèrent-ils autour de lui, en quête de plus amples détails. Nonchalant, sur son trône, le camerlingue suivait ce manège d’un œil amusé et supputait sans doute en lui-même le profit qu’il saurait tirer de tant d’inexpérience ! Ses consultations achevées, le maître des cérémonies prit congé de l’assemblée, et le Sacré Collège, laissé à lui-même, pouvait entrer en délibération.

Avant toute chose, se posait une question délicate. Le cardinal Coscia devait-il être admis au conclave ? L’ancien ministre de Benoit XIII était toujours détenu au château Saint-Ange, faute d’avoir acquitté encore les lourdes amendes auxquelles il