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cri s’était trompé d’adresse. Ce cri n’en constituait pas moins la preuve qu’une influence allemande avait tenté de s’exercer dans le milieu où vivait ce gamin.

Autre preuve à rapprocher de celle-ci : un de mes amis excursionnant dans le Sud de la Tunisie est surpris par un orage. Rencontrant un Arabe qui rentrait dans son douar, il lui demande un abri. L’Arabe, après avoir éloigné ses femmes, reçoit l’étranger dans sa demeure, et celui-ci est tout surpris de voir accroché au mur le portrait du Kaiser et ceux de ses fils groupés autour de lui et tous, comme lui, coiffés de la chéchia. Feignant de ne pas les reconnaître, il demande :

— Qui sont ces gens-là ?

— C’est l’empereur d’Allemagne avec sa famille.

— Où as-tu trouvé ce dessin ? De qui le tiens-tu ?

— Il m’a été donné à Tunis dans la rue par quelqu’un que je ne connais pas. Il en distribuait à tout le monde.

Comment ne pas mentionner encore les paroles prononcées par la femme du consul d’Allemagne à Tunis, lorsqu’après la déclaration de guerre, elle est partie pour rejoindre son mari ? En faisant ses adieux à une femme de la colonie française, elle lui disait :

— Je vous plains, je plains ceux qui restent, car ils verront sous peu des choses épouvantables.

De ces traits, résulte la preuve que, bien avant la mobilisation, l’Allemagne préparait la guerre, en Tunisie comme ailleurs, soit par ses espions, soit par des émissaires turcs et qu’elle avait escompté une révolte arabe éclatant dans le pays au moment de la mobilisation.

Les tentatives d’espionnage faites en Tunisie, comme d’ailleurs en Algérie et au Maroc, ne sont donc pas niables. Mais il est également vrai qu’elles n’ont pas réussi à ébranler le loyalisme des indigènes, et puisque dans les circonstances actuelles et malgré tant d’efforts pour le détruire, il ne s’est pas démenti, c’est qu’il est au-dessus des manœuvres déloyales de nos ennemis. Cependant, quelque fondée que soit à cet égard la conviction dont j’ai recueilli autour de moi d’innombrables témoignages, on ne saurait trop approuver les mesures prises pour prévenir et déjouer les menées ténébreuses dont je me suis contenté de citer quelques preuves, alors qu’il m’eût été facile de les multiplier, et pour convaincre nos protégés