Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un parti proprement dit, pourrait, le cas échéant, exercer un certain ascendant sur la population, grâce au rang social de ses membres, qui sont, pour la plupart, riches, distingués et d’une haute culture intellectuelle. Mais l’enquête démontra que, sauf quatre ou cinq d’entre eux qui avaient agi isolément et furent aussitôt expulsés, ils étaient restés étrangers à la tentative de soulèvement. Leur attitude depuis les débuts de la guerre n’a pu que confirmer l’opinion qu’on s’était faite alors à cet égard. Quant à ce que j’appellerai l’aristocratie arabe, je veux dire les personnages qui, par leur passé, leur famille, leur fortune, les services que leurs ancêtres et eux-mêmes ont rendus au pays, se sont acquis le respect et la confiance de leurs compatriotes, la soupçonner eût été lui faire injure, car le mouvement dont on recherchait les origines lui avait justement fourni l’occasion d’affirmer son loyalisme en des circonstances dont, à la section tunisienne de la Croix Rouge, on n’a pas perdu le souvenir.

Le siège de la Croix-Rouge à Tunis est situé en plein cœur de la ville arabe ; là fonctionnait déjà, sous l’autorité d’une infirmière-major envoyée de Paris et assistée de femmes dévouées, le dispensaire où, chaque jour, les indigènes pauvres viennent par centaines recevoir les soins que prescrivent, après examen, les chirurgiens et médecins attachés à la section. Dès les premiers incidens qui se produisirent, il parut au gouvernement du Protectorat comme aux autorités beylicales qu’étant donné le peu de troupes dont on disposait, il convenait de ne pas laisser au dispensaire les infirmières qui y étaient fixées à demeure ; elles furent invitées à s’installer provisoirement dans la ville française. D’abord, elles opposèrent à cette invitation une résistance énergique. Indignées qu’on eût douté de leur courage, elles considéraient, en outre, comme un devoir de rester à leur poste ; elles se flattaient de n’y courir aucun danger et d’y être protégées par la gratitude de la population à qui elles prodiguaient leurs soins. Leur conviction n’entraîna pas celle du gouvernement ; l’invitation dont elles étaient l’objet devint un ordre qui leur fut signifié par le président de la section, et des landaus qu’il avait amenés les emportèrent dans un des principaux hôtels de la ville française, où d’ailleurs leur séjour fut de courte durée, car, peu de jours après, elles se réinstallaient au dispensaire et y reprenaient leurs fonctions. Mais, dans