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nifié, sous sa forme la plus haute, le sentiment de l’honneur national.

Et, depuis cet instant, il a été l’âme de la résistance. Ce jeune roi qui, quelque intérêt qu’il portât aux choses militaires, ne s’était montré jusqu’alors rien de moins que militariste, fut tout à coup un roi-soldat. Dans la difficile et douloureuse campagne de la petite armée belge qui s’efforçait de couvrir Bruxelles, il fut tout de suite au premier rang, encourageant les hommes de sa présence, les animant de son exemple et de sa parole. Il fut au combat de Haelen, au combat de Cortenaecken et, quand l’armée dut se replier sur Anvers, il dirigea la retraite. Durant le siège d’Anvers, on le vit presque toujours aux avant-postes, surveillant tout par lui-même, tandis que la Reine, à ses côtés, donnait à la population civile l’exemple du calme, de la confiance et de la générosité.

À partir de ce moment, la Belgique tout entière a senti que la vie nationale s’était concentrée dans le couple royal. Que l’on cause avec les soldats ou que l’on traverse les provinces envahies, que l’on consulte les réfugiés de toute classe et de tout état qui campent dans les villes et les campagnes de France, d’Angleterre, de Suisse et de Hollande, un même sentiment se fait jour : la reconnaissance et l’admiration. Dans ce peuple d’esprit très moderne, très démocratique qu’est le peuple belge, on voit renaître un sentiment très ancien, l’amour, l’amour mystique du Roi, du Roi créateur du peuple, protecteur naturel du peuple, incarnation du peuple et de ses destinées. Le Roi cherchait ce qui pouvait unir, il l’a trouvé ; les circonstances le lui ont apporté et il a su le mettre en œuvre. Après des souffrances et des travaux partagés en commun, il n’est plus question pour un Flamand ou un Wallon de douter de sa nationalité : il y croit de tout son cœur. Le pays prospère manquait de la cohésion, de la force morale qui fait l’unité d’un grand peuple : des ruines qui le recouvrent aujourd’hui, cette force se lève, merveilleusement agissante et d’autant plus claire qu’elle se manifeste dans un homme. Le Roi s’était proposé de maintenir, il a fondé.

L. Dumont-Wilden.