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le trône. Et il n’en était que plus cher à la nation. Comme on lui savait un gré infini de tout ce qui le différenciait de Léopold II, on lui savait gré d’être bon époux et bon père, de montrer des gouts simples et de ne laisser paraître aucune grande ambition ; on lui savait gré de ce qu’il avait été élevé bourgeoisement dans la plus familiale des maisons princières ; on lui savait gré de ce que son père, le comte de Flandre, frère puîné de Léopold II, avait toujours mis une sorte de coquetterie à vivre en simple particulier ; ou lui savait gré de ce que sa mère avait importé en Belgique le goût de l’intimité champêtre des petites cours allemandes d’autrefois ; on lui s’avait gré enfin de ce que rien, ni dans son éducation, ni dans sa vie de jeune homme ne l’avait signalé à la curiosité, à la médisance ou à l’admiration spéciale des peuples. Il avait fait son éducation militaire à l’Ecole militaire nationale, comme tous les princes ; il avait accompli sérieusement un stage dans l’armée, comme tous les princes ; à sa majorité, il avait fait un grand voyage, comme tous les princes, et il n’en avait même pas rapporté un livre, le livre du prince, enfin, il n’avait rien fait qui le mit particulièrement en évidence, ce qui inspirait confiance à ceux qui voulaient un Roi qui régnât sans gouverner. Son mariage avait encore ajouté aux sympathies qui allaient à lui. C’était, en effet, un mariage d’un romanesque bourgeois, mariage d’amour autant que de convenance, qui avait uni l’héritier du trône de Belgique a une jeune princesse du plus noble sang, mais appartenant à une branche cadette, à une branche non régnante. Les journaux belges racontèrent alors avec attendrissement la vie rustique et ménagère que menait à Possenhoffen la tout aimable Elisabeth, duchesse en Bavière, fille d’un prince savant, — car le père de la Reine des Belges avait pris ses grades et s’était occupé de médecine pratique. On se félicitait de ce que la jeune mariée n’apportât dans la famille royale de Belgique ni grandes espérances, ni grandes ambitions, et la douceur de son sourire, la simplicité de son accueil, la délicatesse de sa charité ingénieuse, conquirent le peuple dès l’abord. Des enfans vinrent, que l’on vit se promener au bois, sur les boulevards de Bruxelles, et y jouer sans façon. Ils étaient charmans de grâce frêle et de gentille espièglerie : et le peuple s’émerveillait de pouvoir les regarder de si près. Tout ce/a créait autour du couple princier une