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L’auteur anglais assure qu’à l’un quelconque de ses compatriotes qui aurait eu l’occasion de connaître les écoles militaires de Woolwich ou de Sandhurst, une École de Cadets allemande ferait l’effet d’un « établissement pénitentiaire ; » et il ajoute que l’enseignement qu’y reçoivent les élèves correspond à cette discipline qui leur est infligée. Là comme à la caserne, sous prétexte de donner aux jeunes gens des qualités « viriles, » leurs maîtres s’attachent à étouffer dans leurs cœurs tous sentimens de pitié. « Pillez ! brûlez ! tuez ! ces trois mots pourraient servir de devise à toute l’éducation guerrière du soldat allemand. »

Et quant au fruit de ces leçons, tout ce que l’auteur anglais trouverait à nous dire sur ce point serait encore infiniment dépassé par le spectacle où nous assistons depuis trois mois. Accoutumés à la fois par les discours et par l’exemple de leurs maîtres à se représenter la « dureté » comme la plus haute des vertus militaires, accueillis par des coups dès le seuil de la caserne ou de l’École de Cadets, soldats et officiers allemands nous ont laissé dès maintenant des souvenirs ineffaçables d’une « virilité » dont ils savaient, en outre, qu’elle avait pour soi l’approbation du chef suprême de leur armée. « Quelles admirables paroles l’Empereur vient de nous adresser ! » disait naguère à l’écrivain anonyme un jeune lieutenant allemand de ses amis, en sortant d’une audience accordée par l’empereur Guillaume aux officiers du corps expéditionnaire envoyé en Chine pour réprimer la révolte des Boxers. Le jeune lieutenant avait encore des larmes dans les yeux, au souvenir de ces paroles d’adieu de son souverain. Et l’on sait ce qu’avaient été ces « admirables » paroles : « N’épargnez personne, là-bas où vous allez ! Acquérez-vous une célébrité pareille à celle des Huns d’Attila ! »

Non certes, nous n’avons pas besoin de demander au livre anglais des preuves de l’efficacité des leçons reçues par les jeunes garçons d’outre-Rhin dans les écoles militaires de leur pays ! Tout au plus noterai-je encore un trait qui achèvera de faire comprendre l’irrésistible action de ces leçons de « barbarie » sur de jeunes cerveaux. L’auteur nous raconte que, au début de la récente guerre sud-africaine, tous les officiers allemands de sa garnison ne cessaient pas de déplorer, comme éminemment « antimilitaire ; » l’indulgence courtoise avec laquelle les Anglais traitaient leurs ennemis. Et l’auteur reconnaît que lui-même, malgré son origine anglaise, partageait ce sentiment de son entourage, ou du moins craignait qu’une telle façon de pratiquer la guerre ne risquât de valoir à ses compatriotes les plus