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Times où le grand journal anglais rend à la France un hommage si loyal. Il serait à souhaiter que par la suite les maîtres tinssent compte de cette indication une fois donnée. Ils feraient à leurs élèves, de temps en temps, avec toute la mesure et tout le tact qu’on peut attendre d’eux, une de ces lectures qui dégagent de l’enthousiasme : témoignage apporté à notre armée, récit d’une action d’éclat, protestation de la pensée française. Les enfans écouteraient avec recueillement, avec ferveur. Après cela, de quel cœur ils se remettraient au travail ! Comme ils comprendraient mieux le sens de ces travaux scolaires qui sont leur moyen à eux de faire leur devoir de bons Français, un devoir approprié à leur âge et à leur taille ! Je n’ai pas à parler ici de la réponse opposée par les Universités françaises au manifeste des Universités allemandes ; mais, il y a quelques jours, à la séance de rentrée de la Faculté des Lettres, l’éminent doyen, M. Alfred Croiset, a prononcé de belles paroles : « Notre devoir, a-t-il dit, est très clair : c’est celui de tous les Français ; nous sommes ici pour travailler à défendre la civilisation française… Les horreurs qui s’accomplissent au nom de la culture allemande, les scandaleux manifestes signés récemment par les représentans les plus authentiques de cette culture, tout nous avertit de l’abîme qui sépare notre pensée de celle de nos ennemis, et nous oblige à mesurer cet abîme pour mieux prendre conscience de l’incomparable patrimoine intellectuel que nous avons à préserver. » Déclarations précieuses, qui contiennent tout un programme. Je me bornerai à indiquer ici les espérances qu’elles font naître chez ceux qui souhaitent et croient nécessaire le retour à un enseignement ayant pour objet, suivant le mot de M. Croiset : la défense de la civilisation française.

Cet objet, à quoi bon nier que notre enseignement l’eût, en ces derniers temps, un peu perdu de vue ? Il s’était écarté de la grande voie nationale. Il s’était égaré, de la meilleure foi du monde. Il avait mieux qu’une excuse, une raison : c’est que nul ne croyait notre civilisation menacée. Du moins, ne redoutait-on pas pour elle une menace du dehors. Naturellement confians, nous n’imaginions pas que personne pût nous vouloir mal de mort. Le réveil a été terrible. La tempête qui vient de se déchaîner, avec une violence et une soudaineté si imprévues, a déchiré tous les voiles. Elle a mis à découvert le danger de beaucoup de chimères. Rendons cette justice à ceux qui s’en étaient le plus imprudemment engoués, qu’ils n’ont pas hésité à les répudier. C’est pourquoi nous ne doutons pas que l’Université, elle aussi, ne soit prête à faire sur elle-même, avec une parfaite bonne